Actes n°8 / Doctorales 58: Le rôle des sciences humaines et sociales dans la transmission des savoirs et connaissances

Le Sahara espagnol et ses représentations à travers l’étude de la presse espagnole (Ya) et de des informations officielles (NO-DO), 1958-1976

Mohamed Mimoune

Résumé

Cet article a pour objet d’étudier la représentation du Sahara espagnol dans la presse et les informations officielles de la seconde partie de la dictature franquiste (1958-1976). Durant cette période, le territoire est en effet devenu une province espagnole à part entière, et cette étude s’intéresse donc au discours porté sur celle-ci ainsi que sur ses habitants. 

Après une rapide contextualisation historique, nous analyserons donc comment le Sahara espagnol, territoire lointain et méconnu des citoyens métropolitains à l’époque, est représenté comme un territoire « exotique » dont les habitants répondent à certaines caractéristiques spécifiques. Ce désert ancré dans des traditions millénaires et répondant à des caractéristiques géographiques, vestimentaires et culinaires bien marquées, s’oppose donc au progrès et à la modernité apportée par le pays « protecteur » dont le but est d’apporter une aide « désintéressée » aux populations locales. 

  En effet, notamment du fait des pressions de plus en plus importantes de la part des instances internationales pour une décolonisation de la province, le discours porté sur celle-ci évolue en fonction des événements : il vise en effet également à légitimer la présence espagnole, en insistant sur les réalisations du régime et sur le rôle « civilisateur » joué par celui-ci auprès des populations locales. Nous tenterons donc de déterminer quelles furent les stratégies utilisées pour créer un discours spécifique de propagande sur le Sahara espagnol ainsi que son évolution au gré des événements.

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Le 10 janvier 1958, l’Espagne de Franco publiait un décret instituant la « provincialisation » de ses territoires alors seulement considérés comme des « protectorats » ou des colonies : le Sahara Occidental, l’enclave d’Ifni sur la côte atlantique et la Guinée Equatoriale. En pleine période de décolonisation à l’échelle européenne, et alors que de nombreux pays africains avaient obtenu ou étaient sur le point d’accéder à l’indépendance, l’Espagne décidait d’étendre officiellement son territoire en faisant notamment du dénommé « Sahara espagnol » sa « province 53 », qui allait donc, pendant plus de 17 ans, faire partie intégrante du pays. Le régime franquiste se montrait, par cette décision, à contre-courant de l’histoire internationale se déroulant à ses portes.

Toutefois, bien que les habitants du Sahara espagnol aient été entre 1958 et 1976 des citoyens espagnols, de nos jours, comme l’observe le journaliste Carlos Bajo Erro1, « los jóvenes españoles apenas saben nada sobre ese territorio »2. Mais à l’époque déjà, les Espagnols vivant en métropole avaient une image bien vague de cette province lointaine dont les habitants étaient pourtant leurs compatriotes, une province que l’Espagne abandonna en 1976, suite à la Marche verte3 lancée par le Maroc qui occupa ce territoire qu’il revendiquait. Cette occupation provoqua l’exode de milliers de Sahraouis qui durent trouver refuge dans le désert algérien dans des conditions dramatiques.

Notre objectif est donc d’analyser la représentation de ce territoire et de ses habitants, telle qu’elle fut construite par les services d’information officielle, dans le NO-DO4 ainsi que dans la presse sous contrôle d’Etat (à travers l’étude du quotidien Ya5), pendant la période où le Sahara était « la province 53 ». De cette façon, nous essaierons de mettre en évidence la façon dont l’étude des sources de l’époque permet de mieux saisir à la fois le rôle de la presse et des informations filmées dans la diffusion d’informations sur un territoire et une population donnés ainsi que le rôle que peut avoir l’analyse historique dans l’appréhension et la connaissance d’un sujet comme celui du Sahara espagnol.

Après une rapide contextualisation historique de l’évolution du statut de ce territoire ainsi que du rôle qu’y a joué l’Espagne, nous déterminerons quelles furent les principales caractéristiques de ces représentations à travers quelques exemples tirés des archives de presse et des actualités cinématographiques (NO-DO). Des habitants « exotiques » de par leur culture et leur folklore au « barbare » nécessitant les lumières et la « civilisation » apportée par la métropole, en passant par le citoyen fidèle et reconnaissant à l’Espagne, nous tenterons d’analyser ces caractéristiques à travers l’étude d’extraits de presse et du NO-DO.


 

1. Le « Sahara espagnol » : un territoire aux caractéristiques spécifiques

Il convient tout d’abord de rappeler la position géographique du Sahara Occidental, ainsi que les caractéristiques de ce territoire. En effet, ce qui explique en premier lieu les rapports de l’Espagne avec le Sahara Occidental, c’est la proximité géographique des îles Canaries avec cette région : selon Beatriz Andreu Mediero6, dès le quatorzième siècle et les premiers voyages d’exploration et commerciaux à destination des îles Canaries, et davantage encore à partir de l’intégration de ces îles au territoire espagnol à la fin du XVe siècle, des relations s’établirent avec les populations voisines de la côte atlantique. Ce sont donc en premier lieu les Canariens qui entrèrent avec certaines tribus sahariennes, et comme dans le cas des autres populations marocaines, ces relations restèrent constantes mais oscillèrent entre la compétition pour les zones de pêche et les accords commerciaux. Mais la fin du XIXe siècle allait marquer un changement important et être la période où l’on passa de relations particulières à un intérêt réel de la monarchie pour ces territoires. C’est d’ailleurs en 1884, au moment de la conférence de Berlin, que l’Espagne se voit attribuer pour la première fois des droits sur les territoires situés sur la côte voisine.

A la suite de cette conférence, l’Espagne s’empressa de faire valoir ses droits : dès novembre 1884, Emilio Bonelli7, à la tête d’une expédition sur les côtes du Sahara Occidental, établit plusieurs comptoirs au nom de l’Espagne : Villa Cisneros, Puerto Badía et Cabo Blanco, et obtint des accords avec plusieurs tribus locales. Dans les années qui suivirent, l’Espagne tenta de mener des expéditions commerciales et d’obtenir d’autres accords, mais les comptoirs souffrirent également des attaques de la part de certaines tribus.

Ce sont donc à la fois des raisons économiques, géographiques, politiques et stratégiques qui expliquent l’occupation progressive de territoires au Sahara Occidental par l’Espagne. Au cours de la première moitié du XXe siècle, la présence effective de l’Espagne dans la colonie se réduit toutefois aux comptoirs commerciaux créés, et la principale préoccupation de l’Etat espagnol est donc de s’assurer le contrôle des bancs de pêche notamment pour satisfaire les pêcheurs canariens. En effet, selon Tomás Bárbulo, “la mayoría de los historiadores afirman que la colonización propiamente dicha no comenzó ¡hasta 1959! Fue a partir de esa fecha cuando la ciudad de El Aaiún, que había sido fundada en 1934 por Antonio de Oro junto a un manantial, dejó de ser un villorrio y se convirtió en la capital del Sáhara”8. Les points d’exclamation montrent bien l’incongruité de la situation, la véritable colonisation du territoire se faisant au moment même où de nombreux pays africains accèdent à l’indépendance. Ce n’est qu’à partir les années 1940 que d’un point de vue administratif comme scientifique, il acquiert lentement un statut plus important.

Une fois la guerre civile achevée, la dictature franquiste défend l’idée de rétablir un Empire, et la grandeur de la patrie : l’Afrique devient le nouveau terrain des ambitions, notamment, des militaires dits « africanistes ». D’après José Ramón Diego Aguirre, c’est en effet durant les années 1940 que des travaux ethnologiques, comme celui de Julio Caro Baroja, mais aussi historiques et démographiques démarrent au Sahara Occidental.9 Mais les travaux qui allaient être décisifs sont ceux liés aux richesses minières : le même auteur cite les travaux des frères Hernández Pacheco, mais surtout ceux de Manuel Alía Medina. Ses études montrent une potentielle richesse minière et pétrolière qui permet à l’Espagne d’envisager enfin d’exploiter et de tirer profit des richesses du territoire. Ce sont donc les perspectives d’exploitation économique et de rentabilisation du territoire colonial qui expliquent l’intérêt accru de l’Espagne pour le Sahara Occidental, d’autant plus qu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, la dictature se trouve isolée sur le plan diplomatique et en proie à de graves difficultés économiques.10

La perte, non souhaitée, du protectorat marocain en 1956 suite à l’indépendance du Maroc français est donc vécue comme un drame par les dirigeants du régime franquiste. Cependant, plusieurs territoires sont finalement conservés par l’Espagne : parmi eux, Ifni, du fait de la proximité des îles Canaries voisines et de la spécificité historique de l’enclave ; mais aussi le Sahara Occidental, dont les particularités expliquent qu’elle n’ait pas été considérée comme une partie du protectorat, mais comme une colonie à part entière. Dès lors, du fait, d’un côté, de l’avancée des études scientifiques et des prospections permettant de confirmer la richesse du sous-sol saharien, et d’un autre côté la perte du protectorat marocain (la zone du Rif), les efforts allaient donc être concentrés sur le Sahara Occidental.

A l’heure où la majeure partie des pays africains entrait dans un processus aboutissant à leur indépendance, l’Espagne tenta donc au contraire d’asseoir sa domination sur un territoire qui, de plus en plus, attisait les convoitises de ses voisins, notamment le Maroc. C’est dans ce contexte que l’Espagne tentera, dans les années suivant l’indépendance marocaine, d’institutionnaliser et de défendre sa présence dans une colonie transformée en province espagnole et qui allait connaître un développement sans précédent et des changements profonds.

Le changement de statut du Sahara Occidental intervient donc en 1958, peu de temps après la fin des protectorats espagnol et français qui avaient été définitivement établis par le traité de 1912. Le gouvernement espagnol prit la décision de décréter le changement de statut d’Ifni, du Sahara Occidental et de la Guinée, donnant ainsi la décolonisation pour achevée, à l’instar de la politique menée par Salazar au Portugal.

Toutefois, sur le plan administratif, tel que le souligne Carlos Ruiz Miguel, ce décret marquait un avant et un après : “En 1958 se produce un hecho de enorme importancia. Se puso fin, expresamente, al A.O.E. (África Occidental Española) y al estatus colonial del Sáhara, al erigir a éste y a Ifni en provincias españolas”11. Les Sahraouis ne sont plus officiellement, des « indigènes » colonisés : ils sont devenus « du jour au lendemain », des Espagnols « de plein droit », selon les termes employés par Eduardo Soto Trillo.12 Pendant dix-sept ans, la colonie est donc un département espagnol à part entière, même s’il avait une législation « adaptée » et donc particulière par rapport au reste du pays.


 

2. Un territoire et des habitants « exotiques »


 

La première des caractéristiques que l’on peut déceler à travers l’étude des sources est celle d’un territoire et de ses habitants présentés comme « exotiques ». En effet, qu’il s’agisse de la presse, à travers l’exemple du quotidien Ya, ou des actualités cinématographiques, ces médias s’adressent à un public métropolitain, pour qui ce territoire lointain est quasiment voire tout à fait méconnu. Le peu d’informations arrivant aux lecteurs et spectateurs de l’époque concernant le Sahara est, qui plus est, proposé par les médias officiels, sous contrôle du régime. Il faut rappeler en effet que le contrôle de l’information a constitué pour la dictature franquiste un enjeu de façon très précoce : pendant la Guerre civile même (1936-1939), chaque camp s’est chargé de diffuser des écrits et images de propagande. Mais le camp franquiste s’attacha au problème très tôt de façon institutionnelle. Une Junte de censure cinématographique fut créée dès mars 1937 ; la Loi sur la Presse fut votée en avril 1938 et une Délégation Nationale de Presse et de Propagande mise en place.13 Rien n’échappe dès lors aux organismes censeurs du régime et un seul discours, le discours officiel, est autorisé. Justino Sinova ou Javier Terrón Montero14 entre autres ont étudié la censure dans la presse durant la dictature. Mais celle-ci aura également cours dans la littérature, le cinéma, et dans les autres domaines. Ce n’est qu’en 1966 qu’une nouvelle loi allait remplacer les lois datant de la guerre civile concernant la liberté d’expression, mais le contenu de cette loi n’offrait malgré tout qu’une liberté assez restreinte.15

L’analyse des articles du quotidien Ya permet de déceler différents aspects du territoire et de ses habitants. En particulier, certains des articles étudiés mettent donc l’accent sur les spécificités du territoire, faisant appel à des éléments symbolisant le désert, comme dans ce premier extrait de l’année 1964 :

Mais c’est que notre province africaine citée plus haut est seulement une porte du grand désert. Là-bas alternent la « hamada » dure et caillouteuse, avec un sable agité fréquemment par le vent et même transporté dans un mouvement de filtrage extrêmement lent. Voilà le « sif », les dunes, les vagues réellement pétrifiées de cette « mer de sable » qu’est l’immense Sahara. Vous pourrez y marcher des centaines de kilomètres sans y trouver de l’eau. Et sans trouver non plus quasiment de végétation. Il ne faut pas oublier que pour le nomade, le Sahara est le « bled el Attach », c’est-à-dire le « Pays de la Soif » (…) Et le vent ardent du désert, le poussiéreux et brûlant « irifi », se charge de tout chambouler.16

On peut retrouver dans cet extrait différents éléments caractéristiques du désert, qui sont mis en avant, tels que les dunes, l’absence d’eau et de végétation, ou encore l’« irifi », un vent poussiéreux équivalent au sirocco. Ces mêmes éléments apparaissent dans le NO-DO. Bien souvent, dans ces actualités cinématographiques, l’« Afrique occidentale » constitue une rubrique à part entière marquée par des images spécifiques et même parfois par des musiques orientales. Cela n’est toutefois pas le cas dans le reportage diffusé le 7 avril 1958 à l’occasion de la visite dans les territoires de plusieurs ministres espagnols, mais l’une des premières images montre un dromadaire, comme pour bien marquer qu’il s’agit du Sahara (le chameau et le dromadaire apparaissaient d’ailleurs comme symboles de la province sur les timbres de l’époque). La construction de ce type de reportage est bien souvent la même : la voix off reprend les mots des ministres qui s’adressent à la foule et on voit celle-ci en contrechamp. Cette foule est représentée à l’écran par des plans sur un ou plusieurs « autochtones » coiffés de leur turban et qui semblent acquiescer aux propos entendus. L’accent est donc mis sur le caractère exotique de ces habitants, comme l’illustre la suite de ce reportage : deux enfants sahraouies remettent au ministre une offrande, nommée « targuiba », composée de lait et de dattes. Après avoir vu cette offrande qualifiée de « traditionnelle », le spectateur assiste ensuite à une danse « caractéristique » selon la voix off. Au-delà du fait qu’il s’agit de montrer la joie et la paix dans le territoire, quelques mois après les événements survenus dans celui-ci17, le reportage montre certains éléments considérés comme caractéristiques et représentatifs du territoire et de ses habitants.

Ces éléments se retrouvent dans d’autres articles publiés quelques années plus tard, notamment l’aspect vestimentaire. Les journalistes font immanquablement référence aux éléments constitutifs de l’habillement des populations locales, comme dans cet extrait, dans lequel on décrit le sahraoui comme étant vêtu « de façon simple », et on met en avant le turban, la djellaba et le « seroual » typiques de ces habitants : ils se différencient des Espagnols « péninsulaires » par leur accoutrement.

Le Sahraoui est vêtu de façon simple. Un « seroual » court et ample couvre sa ceinture jusqu’aux genoux, qui sont nus. Une large tunique de coton, et par-dessus une autre tunique bleue, toutes les deux serrées avec une ceinture de cuir. Sur leur tête, un turban bleu.18

Cette « essentialisation » des habitants se fait également à travers la référence à la cérémonie du thé. Par exemple, Javier Martín Artajo rédige en 1960 la chronique d’un voyage réalisé dans la province, au cours duquel il se rend chez un habitant qui l’invite à boire le thé. Le journaliste décrit alors de façon très détaillée le cérémoniel auquel il assiste :

« Le capitaine Moreno, ami de tout le monde arabe, nous introduit dans la boutique d’Hassaud. (…). Commence alors la cérémonie du thé. Il verse de l’eau chaude dans un petit verre, le rince avec le doigt, verse l’eau dans un autre petit verre et répète l’opération jusqu’à dix fois. Il met ensuite quelques herbes dans la théière, la remplit de morceaux de sucre et le distribue ensuite avec une équité exquise. Il invoque Dieu et trinque à notre santé. Après avoir vu tant de monde, il reste heureux dans le sien, un monde qui n’a pas varié en trois mille ans d’existence. »19

En tant qu’observateur originaire de la péninsule, le journaliste met en avant tous les éléments qui le frappent : il décrit d’abord les « têtes voilées » des femmes qui apparaissent subrepticement, puis la cérémonie du thé et toutes ses étapes ; enfin, l’image de ces habitants qui, malgré leurs conditions de vie très simples, sont « heureux » dans leur monde « qui n’a pas varié en trois mille ans d’existence ». Cette phrase est particulièrement significative : elle fige les coutumes et traditions de ces habitants dans un temps immémorial, celui d’une société qui n’évolue plus.

Tous ces éléments se retrouvent dans les articles consacrés à la « Foire internationale de la Casa de Campo » de Madrid. Dans ce grand parc de la capitale se tenait cet événement au cours duquel des stands représentant les différentes régions d’Espagne étaient installés. En ce qui concerne les « Provinces africaines », elles constituaient l’une des attractions de cette foire, puisqu’on pouvait y trouver des habitants de ces régions lointaines invités pour l’occasion. Les articles décrivant ces stands donnent à voir les éléments considérés comme étant propres au Sahara et ses habitants :

L'image du désert dans les tentes de campagne des indigènes. Des visages bruns et enveloppés dans leurs capes rouges et bleues. Sous les yeux du public, ces Espagnols à la peau bronzée tissent des tapis, travaillent l’argent avec une dextérité d’orfèvres ou travaillent le cuir. La tasse de thé aromatique ne manque pas. Des djellabas blanches dans le pavillon d’Ifni, où l’on vend des bagues, des cannes, des amulettes, des selles pour monter à cheval… Dans le « stand » du Sahara espagnol, on trouve des œufs d’autruche, des pièces artisanales en argent. Et la « jaima », la typique tente du désert.20


 

On y décrit les « visages bruns » et les « capes rouges et bleues » de ces Espagnols particuliers se caractérisant là encore par leur aspect physique. La djellaba est elle aussi bien présente, tout comme la référence à « la tasse de thé aromatique » et enfin la « tente typique du désert ».

Un autre extrait, trois ans plus tard, nous permet d’imaginer ces stands, puisqu’il évoque là encore, la « tente » typique qui permet de représenter sans équivoque le territoire du Sahara ; mais on parle aussi de « l’attraction principale » qui est cette fois un « groupe folklorique » venu avec ses instruments et exécutant des « danses typiques ». En plein cœur de la capitale, les habitants comme les objets permettent aux organisateurs de recréer un Sahara fantasmé que l’on veut donner à voir aux visiteurs.

Tous ces éléments permettent de construire une image du Sahara espagnol : celle d’une société traditionnelle et « exotique », représentée par les dunes, les dromadaires et les habitants vêtus de djellabas et aux têtes ornées de turbans, vivant dans des tentes et dansant au rythme des sons typiques du territoire. Comme l’a étudié notamment Tzvetan Todorov, la caractérisation de l’ « autre » se fait d’abord par rapport à soi-même. L’appartenance à un « groupe » donné, quel qu’il soit, passe donc par la définition des autres groupes et par une caractérisation de ceux-ci21. Dans le cas du Sahara espagnol, et bien que ses habitants soient Espagnols, on marque dans les articles étudiés une différence entre les Espagnols péninsulaires et les « natifs » dont les traits sont réduits à certains éléments précis. Cette essentialisation du territoire et des habitants permet de décrire une société dont les traditions sont figées dans le temps et qui n’évolue plus ; elle va être opposée à une Espagne « civilisée » dont la mission consiste à apporter le progrès et le bien-être aux habitants de cette région reculée.


 

3. La « mission civilisatrice » de l’Espagne et le Sahraoui « mineur » et « barbare »


 

La presse et les informations cinématographiques donnaient en effet l’image d’un territoire dans lequel l’Espagne semblait investie d’une mission : celle de « civiliser » des populations ancrées dans le passé. C’est une caractéristique importante du régime franquiste et des militaires « africanistes » sur lesquels le dictateur s’appuyait : l’idée d’une Espagne ayant une « mission civilisatrice » qu’elle devait mener à bien, notamment au Sahara. Selon Daniel Macías Fernández, qui a étudié particulièrement le discours et l’idéologie de ces militaires dits « africanistes » desquels faisait partie Franco, « [el colonialismo] partía de una imagen muy negativa del elemento humano a colonizar y de una exaltación de las bondades que la llegada de la civilización europea había de proporcionar a la sociedad colonizada. Al igual que los demás imperialismos del momento justificaron la acción colonial en la obligación moral de llevar la cultura al bárbaro ».22 Le régime lui-même se définissant comme catholique et s’appuyant sur l’Eglise, qui comptait parmi les « piliers » de la dictature franquiste23, les « Espagnols musulmans » comme étaient parfois désignés les Sahraouis, étaient de fait considérés comme inférieurs et comme « barbares ». Afin de mettre en avant la « mission civilisatrice » de l’Espagne dans la province, les médias vont utiliser différentes stratégies dans leur représentation du lieu et de ses habitants.

La première d’entre elle est la comparaison entre un avant, antérieur à l’arrivée des Espagnols dans le territoire, et un présent associé au progrès et à l’amélioration des conditions de vie des habitants. Le vocabulaire employé pour se référer au passé est explicite : « Pour comprendre une œuvre dans toute sa dimension, il faut partir du concept abstrait qu’avant, il n’y avait rien là-bas. On partait, en effet, du zéro absolu. »24

On peut donc trouver tout le champ lexical du néant : « il n’y avait rien », « on partait (…) du zéro absolu ». Ce « néant » est mis en contrepoint de tout ce qui a été réalisé par le gouvernement espagnol : cela est souligné par une autre stratégie employée, celle des énumérations : « L’œuvre espagnole y est singulière : du néant ont surgi des villes, des hôpitaux, des lycées et des écoles, des phares, des ports, des routes et des pistes, et naturellement, des temples »25

Ces énumérations font référence à ce qui a été entrepris, et la liste semble interminable : elle met en avant le progrès apporté par l’Espagne dans ces territoires lointains. Dans ce même article, on peut lire plus loin cet extrait insistant sur les immenses travaux entrepris par l’Espagne :

« L’Espagne, qui a mis sur pied des villes là où il n’y avait rien, des antennes radiophoniques, des écoles, des lycées d’enseignement secondaire, des hôpitaux, des dispensaires, des phares et construit des routes et des pistes, des ateliers et des banques, des ports et des logements, des cinémas et des cafétérias, publié des journaux, établi la radiodiffusion et érigé, naturellement, des temples, vient de réaliser le miracle ultime : celui de l’eau. » 26

Dans cette nouvelle énumération, le journaliste introduit encore de nouveaux éléments, notamment la radio, les hôpitaux, et même la culture à travers les cinémas. Le message transmis est donc celui d’une nation dont l’objectif est d’apporter le progrès aux habitants de cette province reculée.

Dans un autre article, le journaliste Bartolomé Mostaza met en avant le progrès apporté par l’Espagne aux populations locales :

Le Sahara espagnol cesse d’être seulement un désert où rôdent des tribus nomades avec leurs chèvres, leurs chameaux, leur soif, leurs guenilles, leur trachome ou leur tuberculose. Le Sahara que j’ai vu est en pleine transformation. Des villages surgissent- Laâyoune, Villa Cisneros, Smara, Auserd, Boucraâ, etc.- où se regroupent les tribus nomades et où elles cohabitent avec les Espagnols ; avec nos médecins et nos instituteurs, avec les femmes (épouses, filles, sœurs), de ces compatriotes résistants. Plusieurs facteurs sont en train de libérer notre province du Sahara de sa pauvreté millénaire.27 

On peut retrouver dans cet extrait la stratégie employée dans les articles évoqués plus haut : une nouvelle fois, il s’agit d’opposer le passé des « nomades » qui avaient « soif » et se déplaçaient « en haillons », malades de trachome et de tuberculose, à un présent où « le Sahara est en pleine transformation ». Les nomades peuvent enfin se sédentariser « et cohabiter avec les Espagnols » ; par ailleurs, grâce aux soldats, aux médecins et aux instituteurs métropolitains les Sahraouis se voient « libérés de leur pauvreté millénaire ». Il s’agit donc à nouveau de mettre l’accent sur la misère antérieure à l’arrivée des Espagnols, qui arrivent en sauveurs dans le territoire pour y apporter la richesse, la santé, et créer des villes dans lesquels les Sahraouis peuvent enfin vivre et non « survivre ».

Cette idée est également présente dans les actualités cinématographiques, et notamment en 1966. Cette année-là, en particulier au mois de novembre, se tiennent des débats à l’ONU pour déterminer si l’Espagne doit décoloniser le Sahara et permettre la tenue d’un référendum d’auto-détermination dans le territoire. L’abondance d’articles traitant du Sahara et revenant notamment sur les efforts accomplis par la métropole et le rôle qu’elle y tient auprès des populations locales montre que les médias officiels souhaitent apporter une réponse : l’Espagne est légitime à maintenir sa souveraineté au Sahara occidental et les populations locales souhaitent également qu’elle y perdure.

C’est dans ce contexte que plusieurs ministres se rendent dans la province en mai 1966, parmi eux le ministre de la présidence Luis Carrero Blanco, l’un des hommes forts du régime. Un reportage du NO-DO retrace le parcours des représentants de la péninsule à travers plusieurs villes sahariennes. A l’image, on peut voir dès le début du reportage une pancarte « El Sáhara siempre por España »28, qui semble très claire : les habitants souhaitent exprimer leur pleine adhésion à l’Espagne. Par la suite, on retrouve la construction habituelle de ce type de reportages : après la traditionnelle « offrande » de dattes et de lait, le ministre s’exprime et le spectateur peut voir à l’écran les populations locales enthousiastes suite au discours. Plusieurs éléments sont ensuite évoqués. L’un d’entre eux est plutôt surprenant, puisqu’après avoir montré plusieurs logements construits par l’Espagne, on voit le ministre Carrero Blanco distribuer lui-même des titres de propriété aux locaux. La voix off indique : Recogen los títulos indistintamente los beneficiarios nativos y peninsulares”29. De façon très symbolique, le reportage exprime donc la volonté du gouvernement d’offrir des logements décents aux habitants du Sahara, et donc d’améliorer leurs conditions de vie.

Mais le reportage ne s’arrête pas là, et évoque enfin une thématique extrêmement présente également dans les articles de presse à la même période : celle de l’eau et des cultures. Dans cette édition du NO-DO, c’est un potager qui est à l’honneur, et qui apporte « des fruits frais et de belle facture » ; un agriculteur montre fièrement au ministre les légumes qu’il a réussi à cultiver. Le message est clairement énoncé par la voix-off : « en pleno desierto se ha conseguido fertilizar esta huerta »30. Malgré l’absence de végétation, les Espagnols sont parvenus à permettre aux habitants de cultiver des vergers et des potagers, et ainsi, au-delà des logements et de l’éducation, c’est également la nourriture qui est apportée par le régime. La présence de l’Espagne est donc indispensable : elle améliore grandement les conditions de vie des habitants locaux.

Cette thématique de l’eau est omniprésente dans les articles traitant du Sahara espagnol. En 1966 paraît dans le quotidien Ya un article intitulé “Huerta y vergel sobre el arena del Sáhara español”. Un mot est particulièrement employé par le journaliste: le mot « miracle »

Sur ce vaste panorama, grandiose dans sa désolation, le miracle a surgi. « Le miracle de Franco!” comme disent les indigènes. Un miracle, peut-être relatif dans une certaine proportion, dû à la technique et à l’obstination- pourquoi ne pas l’affirmer !- espagnoles. Mais voilà le grand miracle, en effet! Le miracle de la profusion des « Hassi Franco », « les puits de Franco », qui ont surgi, creusés par nos ingénieurs, ici et là, dans différentes régions du Sahara espagnol. Là où jamais les siècles n’ont connu d’eau ; là, en plein « Pays de la soif », voilà maintenant l’eau, généreuse, jaillissante. Voilà le « grand miracle » de la rédemption de cette terre assoiffée ! Le « miracle de Franco », répétons-le, comme disent les indigènes. »31

Là encore, il y a un contraste entre le paysage « désolé » du « Pays de la soif » et le « miracle » réalisé par les ingénieurs espagnols qui ont réussi à faire surgir de l’eau grâce aux puits creusés, « là ou jamais les siècles n’ont connu d’eau ». Le vocabulaire employé est du domaine du surnaturel, du divin, et dans le rôle de ces « divinités » capables d’accomplir le « miracle de l’eau », les Espagnols. Et les habitants du territoire sont subjugués devant cet exploit :

La nouvelle courut, rapide comme l’éclair à travers le désert. Et les tribus se précipitèrent pour voir de leurs propres yeux ce que personne n’avait vu dans la génération de leurs ancêtres. L’eau, s’élevant à pression, courant allègrement entre les sols rocheux, auxquels le vent a arraché avec le temps une grande partie de leur couche végétale ! (…)

Voilà le « miracle espagnol ». La conséquence définitive des « Hassi Franco ! » La grande merveille que nos natifs du tropique du Cancer n’arrivent toujours pas à s’expliquer, surpris, au Sahara espagnol. Voilà la nouvelle que nous offrons à nos lecteurs et que nous dédions très spécialement à ceux qui font des allusions et préjugent sans connaître l’œuvre de l’Espagne en Afrique.32

On remarque une nouvelle fois à la lecture de cet extrait que le collectif s’impose : « les tribus se précipitèrent ». Aucune individualité n’est mise en avant : il s’agit d’un ensemble dans lequel tous réagissent de la même manière, sans nuance aucune. Mais dans la réaction de ces populations « natives », c’est l’incrédulité qui s’impose : tous veulent « voir de leurs propres yeux », sont « surpris », « ne parviennent pas à s’expliquer » ce miracle. Face à l’exploit surnaturel accompli par les Espagnols de la péninsule, les habitants sont émerveillés comme des enfants recevant de leurs parents un cadeau à Noël. Ce caractère paternaliste met en évidence que les Sahraouis, « mineurs », ont encore besoin de la protection de la « mère-patrie » espagnole qui prend soin d’eux.

Sur ce thème de l’eau, un autre article était publié en 1965. Et cette fois, c’était Franco lui-même qui était le « faiseur de miracles » :

Ya fut le premier journal à annoncer et commenter le dernier grand miracle de la colonisation dans notre province du Sahara. Nous parlons, en effet (…), de ce miracle, que représente pour les natifs- et même pour tous !- le fait de voir surgir de l’eau là où elle n’avait jamais existé. Ce grand miracle de jalonner de puits le Bled el Attach – le pays de la soif !- dans un délai très court, devait très naturellement impressionner les habitants nomades du grand désert dont la vie était régie par les nuages et dont l’itinéraire était marqué par les caravanes à la nouvelle d’une quelconque pluie fugace, souvent tombée très loin. Ces puits que creusent nos ingénieurs sont ceux que les natifs nomment « Hassi Franco », « les puits de Franco ». Et c’est que Franco a réalisé, sans doute, son ultime miracle, et le plus difficile : extraire de l’eau là où il n’y en a jamais eu, entre les dunes ou depuis le sol caillouteux et desséché du désert, trouver de l’eau là où le soleil multiséculaire avait tout brûlé.33


 

On retrouve dans cet extrait plusieurs des éléments précédemment évoqués : le mot « miracle » est employé à plusieurs reprises, et le lecteur peut encore une fois trouver des références aux « habitants nomades » qui avant l’arrivée des Espagnols avaient bien du mal à se procurer de l’eau dans ce territoire aride. Heureusement, Franco a réalisé l’exploit de faire surgir l’eau, comme l’indique la dernière phrase : « Franco a réalisé, sans doute, son ultime miracle, et le plus difficile : extraire de l’eau là où il n’y en a jamais eu ». C’est donc Franco lui-même, pourtant à des milliers de kilomètres de là, qui semble avoir creusé ces puits et apporté l’eau aux populations. Cette personnalisation délivre un message : « les puits de Franco » montrent que celui-ci se préoccupe du bien-être des populations « indigènes » au point de donner de sa personne pour permettre à celles-ci de s’abreuver.


 

4. Conclusion


 

En conclusion, l’étude des sources met en évidence plusieurs aspects dans la représentation du Sahara espagnol et de ses habitants. Premièrement, le caractère « exotique » du désert est très présent : les articles et les reportages sur le territoire semblent vouloir dépayser le lecteur ou le spectateur en lui donnant à voir une province où les clichés et les stéréotypes sont omniprésents. Le désert est évoqué à travers l’absence de végétation, les dunes ou le chameau ; et ses habitants, toujours présentés de façon « collective », sont des nomades dont les traditions millénaires n’évoluent pas. Ils sont représentés notamment par leur aspect « typique » par le biais de leurs vêtements traditionnels, avec l’évocation permanente du turban ou de la djellaba, mais aussi par la cérémonie du thé ou encore leurs danses et chants traditionnels. Ce « monde » sahraoui est en paix, et les habitants sont très heureux de la présence tutélaire des Espagnols qui leur apporte le progrès et le bien-être. En effet, par différents procédés, les médias officiels mettent en avant la mission civilisatrice de l’Espagne, qui apporte aux « indigènes », qui auparavant vivaient dans le dénuement le plus total, de meilleures conditions de vie, l’éducation, la santé… Un progrès symbolisé notamment par « le miracle » de l’eau permis par les Espagnols qui sortent ainsi « le pauvre nomade » de sa « pauvreté millénaire ». Cette représentation « idéalisée » ne reflète que partiellement la réalité, celle d’une population formée par différentes tribus avec leurs caractéristiques propres, mais surtout le « progrès » et la « civilisation » mis en avant ne profiteront pas forcément aux habitants natifs. Comme l’indique notamment Emilio Marín Ferrer, la situation était loin d’être idyllique pour ces derniers : “El Gobierno colonial en el Sáhara mantenía su estructura a través de los “chiuj” o jefes de tribu, que administraban las entregas periódicas y ayudas de la metrópoli de forma injusta, llegando a crear un verdadero entramado corrupto, organizando sus negocios a costa de desabastecer a su propio pueblo, llegando este a pasar hambre. Todo este sistema de corrupción era conocido por el Gobierno español, que dejaba hacer para mantener una paz política, totalmente ficticia. Tal estado de cosas fue creando un malestar que favorecería a un joven nacionalismo, al margen de las viejas estructuras tribales.”34 Et en effet, ce mécontentement grandissant des populations locales allait finir par s’exprimer notamment à partir du début des années 70 qui verront l’apparition des premières revendications des habitants dans le territoire puis des conflits qui aboutiront au départ précipité des Espagnols entre novembre 1975 et février 1976.


 

Bibliographie


 

Journal « Ya », microfilms, du 10 janvier 1958 au 31 décembre 1966

Archives du NO-DO, janvier 1958 à février 1976, https://www.rtve.es/filmoteca/no-do/

 

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TRANCHE R. Rafael, et SANCHEZ BIOSCA, Vicente, NO-DO, el tiempo y la memoria, Cátedra, Filmoteca Española, Madrid, 2005 (7ª edición)


 


 

1Carlos Bajo Erro est un journaliste espagnol spécialiste notamment du Sahara Occidental

2« Les jeunes Espagnols ne savent quasiment rien de ce territoire », Carlos Bajo Erro, De la provincia 53 a la segunda gran traición : testimonio de los inmigrantes-refugiados saharauis en España, Pamplona, Anarasd, 2010, p.20

3En octobre 1975, le roi Hassan II décida d’organiser une marche pacifique pour « récupérer les territoires du Sud », c’est-à-dire le Sahara Occidental qu’il considérait comme appartenant au Maroc. Plusieurs centaines de milliers de Marocains participèrent à cette marche dont le but était d’obliger l’Espagne à négocier une cession du territoire. On peut trouver des explications détaillées à ce sujet par exemple dans l’ouvrage Agonía, traición, huida, El final del Sáhara español de José Luis Rodríguez Jiménez, Barcelona, Planeta, 2015.

4Le NO-DO peut être considéré comme l’un des fleurons de la propagande officielle du régime franquiste : il s’agit des informations officielles qui étaient diffusées obligatoirement dans les cinémas espagnols avant chaque film, ainsi que de films documentaires. On peut notamment lire l’ouvrage de Rafael R. Tranche qui analyse le discours et la forme du NO-DO : NO-DO, el tiempo y la memoria, Cátedra, Filmoteca Española, Madrid, 2005 (7ª edición)

5Journal fondé en 1935 pendant la Seconde République espagnole, il s’agit d’un journal conservateur devenu l’un des quotidiens les plus vendus pendant la dictature franquiste, diffusant notamment les informations « officielles » du régime.

6Beatriz Andreu Mediero, El Dorado bajo el sol: Canarios en el antiguo Sáhara español, Madrid, Mercurio, 2017.

7Emilio Bonelli était un militaire dit « africaniste », qui faisait également partie de la Société Espagnole d’Africaniste et de Colonialistes, un groupe de pression créé en 1883 pour inciter les gouvernements à explorer et à coloniser des territoires en Afrique

8Tomás Bárbulo, La historia prohibida del Sáhara español, Barcelona, Destino, 2002, p.46: « la majorité des historiens affirme que la colonisation proprement dite ne commença pas avant 1959 ! Ce fut à partir de cette date que la ville de Laâyoune, qui avait été fondée en 1934 par Antonio de Oro le long d’un cours d’eau, cessa d’être un « bled » pour devenir la capitale du Sahara. »

9Ancre José Ramón Diego Aguirre, Historia del Sáhara español, Kaydeda, Madrid, 1988

10Parmi d’autres références concernant la politique extérieure espagnole de l’après-guerre et l’isolement du pays notamment à la fin de la seconde guerre mondiale, on peut citer Rafael Abella, Por el imperio hacia Dios : crónica de una posguerra (1939-1955), Barcelona, Planeta, 1978 ; José Antonio Biescas et Manuel Tuñón de Lara, España bajo la dictadura franquista (1939-1975), Barcelone, Labor, 1983 ; Enrique Moradiellos, La España de Franco (1939-1975) : Política y sociedad, Madrid, Síntesis, 2000 ; Antonio Sánchez et Pilar Huertas, La posguerra española, Crónica de una sociedad rota, Madrid, LIBSA, 2006, ou encore Francisco Vizcaíno Casas, La España de la posguerra (1939-1953), Barcelone, Planeta, 1975.

11Carlos Ruiz Miguel, El Sáhara occidental y España : historia, política y derecho : análisis crítico de la política exterior española, Madrid, Dykinson, 1995: “en 1958 se produisit un événement d’une enorme importance. On mit fin à l’AOE (Afrique Occidentale Espagnole) et au statut colonial du Sahara en faisant de celui-ci et d’Ifni des provinces espagnoles ».

12Eduardo Soto Trillo, Viaje al abandono. Por qué no permiten al Sáhara ser libre, Madrid, Santillana, 2011.

13Rafael R. Tranche et Vicente Sánchez Biosca, op. cit., pp.183-184, rappellent ces dates.

14Ancre Terrón Montero, Javier, La prensa durante el régimen de Franco: un intento de análisis político, Centro de Investigaciones Sociológicas, Madrid, 1981. L’auteur cite Poulantzas :“elaborar e inculcar la ideología”, p.26

15Terrón Montero, Javier, op. cit

16José Díaz de Villegas in Ya, “Un río, al fin, después de cuatro mil años en el Sáhara”, pages intérieures, 8 mars 1964 “Pero es que nuestra provincia africana citada es solo un ventanal del gran desierto. Allí alterna la “hamada” dura y pedregosa con la arena que con frecuencia el viento riza y aún transporta en un movimiento de lentísimo filtraje. He aquí el “sif”, las dunas, las olas petrificadas realmente de ese “mar de las arenas” que es el inmenso Sáhara. Caminaréis cientos y cientos de kilómetros sin hallar agua allí. Ni, por tanto, apenas vegetación alguna. No olvidar que para el nómada, el Sáhara es el “bled el Attach, esto es, el “País de la Sed”. (…) Y el viento ardiente del desierto, el polvoriento y abrasador “irifi” se encarga de moverlo todo”

(les traductions en français sont nôtres).

17L’Espagne dut faire face entre novembre 1957 et mars 1958 à des attaques de troupes « de Libération » au Sahara espagnol et dans l’enclave d’Ifni. Ces troupes indépendantes des forces armées marocaines étaient sans doute malgré tout contrôlées par le Maroc, et certains historiens utilisent le terme de « guerre » pour évoquer ces événements : par exemple José Ramón Diego Aguirre dans son ouvrage Historia del Sáhara español, Madrid, Kaydeda, 1988 ou Emilio Marín Ferrer dans l’étude Ifni, Sáhara, Guinea, últimas colonias, Atlas ilustrado, Madrid, Susaeta, 2014.

18Manuel Calvo Hernando in Ya, “España creó en 1928 la primera “mía” de camellos del Sáhara”, 25 mars 1961, pages intérieures: “El saharaui es sencillamente vestido. Cortos y anchos “saruales” cubren su cintura hasta las rodillas, que quedan libres. Una larga túnica de algodón, y sobre ella otra azul, las dos ceñidas al cuerpo con un cinturón de cuero. En la cabeza, un turbante azul.”

19Javier Martín Artajo in Ya, “El Sáhara, a la vista (dos palabras mágicas)”, 22 octubre 1960, pages intérieures: “El capitán Moreno, amigo de todo el mundo árabe, nos introduce en la tienda de Hassaud. (…) Comienza la ceremonia del té. Echa agua caliente sobre un vasito, lo enjuaga con el dedo, traspasa el agua a otro vasito y repite la operación hasta diez veces. Mete unos hierbajos en la tetera, la abarrota con azúcar de pilón y lo reparte con exquisita equidad. Invoca a Dios y brinda por nuestra salud. A pesar de haber visto tanto mundo, sigue feliz en el suyo; un mundo que no ha variado en tres mil años de existencia.”


 

20In Ya, “Todas las provincias en 44 pabellones. Provincias africanas”, 17 juin 1962, pages spéciales: La estampa del desierto en las tiendas de campaña de los indígenas. Rostros morenos y negros, envueltos en capas rojas y azules. Ante la vista del público, estos españoles de piel tostada tejen tapices, trabajan la plata con mano diestra de orfebres o trabajan el cuero. No falta la taza de té aromático. Chilabas blancas en el pabellón de Ifni, y venta de sortijas, bastones, amuletos, sillas de montar… En el “stand” del Sáhara español, huevos de avestruz, artesanía de plata. Y la jaima, la jaima típica del desierto.”

21Tzvetan Todorov, Nous et les autres : la vision française sur la diversité humaine, Paris, Ed. du Seuil, DL, 1992

22Daniel Macías Fernández, Franco “nació en África”: los africanistas y las campañas de Marruecos, Madrid, Tecnos, 2019, p.473 : « le colonialisme partait d’une image très négative de l’élément humain à coloniser et d’une exaltation des bontés que l’arrivée de la civilisation européenne devait apporter à la société colonisée. De la même façon que les autres impérialismes de l’époque, ils justifièrent l’action coloniale par l’obligation morale d’apporter la culture au barbare »

23Beaucoup d’historiens ont étudié de près les rapports entre l’Eglise et la dictature franquiste, notamment Julián Casanova, dans La iglesia de Franco, Madrid, Temas de hoy, 2001 ou William J. Callahan, La Iglesia Católica en España, Crítica, Barcelona, 2003. Nous pouvons également citer Guy Hermet, Les Catholiques dans l’Espagne franquiste : les acteurs du jeu politique, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris, 1981 et Les Catholiques dans l’Espagne franquiste : chronique d’une dictature, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris, 1981.

24In Ya, “Creciente actividad en el Sáhara español”, 29 mars 1961, pages intérieures: “Para comprender una obra en toda su proporción, hay que partir del concepto abstracto de que allí no había nada. Se partió, en efecto del cero absoluto”.


 

25In Ya, “El agua puede crear la agricultura del Sáhara”, 12 janvier 1965, p.4 “La obra española es singular allí: de la nada han surgido ciudades, hospitales, institutos y escuelas, faros, puertos, carreteras y pistas, y naturalmente, templos.”


 

26In Ya, “El agua puede crear la agricultura del Sáhara”, 12 janvier 1965, p.4: “España, que ha levantado ciudades allí donde no había nada, antenas de radio, escuelas, institutos de segunda enseñanza, hospitales, dispensarios, faros y construido carreteras y pistas, talleres y bancos, puertos y viviendas, cines y cafeterías, publicado periódicos, establecido la radiodifusión y erigido, naturalmente, templos, acaba de hacer el último milagro: ¡el del agua!”


 

27Bartolomé Mostaza in Ya ,“La abnegada acción de la mujer española en el Sáhara”, 16 octobre 1966, pages intérieures: “El Sáhara español va dejando de ser sólo un desierto por donde merodean unas tribus nómadas con sus cabras, con sus camellos, con su sed, con sus harapos, con su tracoma o sus tuberculosis. El Sáhara que yo he visto está en plena transformación. Surgen poblados- Aaiún, Villa Cisneros, Smara, Ausert, Bucrá, etc.- donde se van agrupando las tribus nómadas en convivencia con los españoles; con nuestros soldados, con nuestros médicos y maestros, con las mujeres (esposas, hijas, hermanas) de estos compatriotas sufridos. Varios factores están liberando a nuestra provincia del Sáhara de su pobreza milenaria.”


 

28Extrait des informations officielles du NO-DO numéro 1221B « Le Sahara toujours pour l’Espagne », https://www.rtve.es/filmoteca/no-do/


 

29NO-DO numéro 1221B « les bénéficiaires natifs et péninsulaires récupèrent indistinctement les titres de propriété », https://www.rtve.es/filmoteca/no-do/

30NO-DO numéro 1215B « en plein désert, on a réussi à fertiliser ce potager », https://www.rtve.es/filmoteca/no-do/

31Catena in Ya, “Huerta y vergel sobre el arena del Sáhara español”, 23 janvier 1966, pages spéciales: “Sobre este panorama dilatado, grandioso en su desolación, ha surgido el milagro. ¡El “milagro de Franco!”, que dicen los indígenas. Un milagro éste, no sé en qué proporción relativa, debido a la vez a la técnica y a la tozudez - ¡por qué no decirlo!- españolas. ¡Pero he aquí el gran milagro, en efecto! El milagro de la profusión de los “Hassi Franco”, “los pozos de Franco”, que han surgido, abiertos por nuestros ingenieros, aquí y allá, en diversas regiones del Sáhara español. Allí donde jamás los siglos conocieron el agua; allí, en pleno “País de la Sed”, he aquí ahora el agua, generosa, surgente. ¡He aquí el “gran milagro” de la redención de esta tierra sedienta! El “milagro de Franco”, repetimos, que dicen los indígenas.


 

32Journal Ya, “Huerta y vergel sobre el arena del Sáhara español”, 23 janvier 1966, pages spéciales: “La noticia circuló veloz como el rayo en el desierto. Y las tribus se precipitaron para ver con sus propios ojos lo que no había visto jamás ninguno en la generación de sus antepasados. ¡El agua, elevándose a presión, corriendo cantarina entre suelos rocosos, a los que el viento ha arrancado con el tiempo gran parte de su capa vegetal! (…) “Tal es el “milagro español”. ¡La consecuencia definitiva de los “Hassi Franco! La gran maravilla que aún no se aciertan a explicar, sorprendidos, nuestros propios nativos del trópico de Cáncer, en el Sáhara español. He aquí la noticia que brindamos al lector y que dedicamos muy especialmente a los que aluden y juzgan presurosamente y sin saber la obra de España en África”.


 

33In Ya, “El agua puede crear la agricultura del Sáhara”, 12 janvier 1965, p.4: “Fue Ya el primer periódico español que anunció y comentó el último gran milagro de la colonización en nuestra provincia del Sáhara. Hablamos, en efecto (…) de ese milagro, que para los nativos, - y aún, ¡para todos!- representa el ver surgir agua donde no existió jamás. Ese gran milagro de jalonar de pozos el Bled al Attach - ¡El país de la sed!- en un plazo muy corto, tenía muy naturalmente, que impresionar a los habitantes nómadas del gran desierto cuya vida la regían las nubes y cuyo itinerario era señalado por las caravanas por la noticia de alguna fugaz lluvia, caída con frecuencia muy lejos. Esos pozos que van abriendo ahora nuestros ingenieros son los que llaman los nativos “Hassi Franco”, “Los pozos de Franco”. Y es que Franco ha hecho, sin duda, su último y más difícil de los milagros: sacar agua donde no la hubo nunca, entre las dunas o del suelo pedregoso y reseco del desierto; alumbrar agua donde el sol multisecular lo había abrasado todo.”


 

34Emilio Marín Ferrer, Ifni, Sáhara, Guinea, últimas colonias, Atlas ilustrado, Madrid, Susaeta, 2014, p.171: « Le gouvernement colonial au Sahara maintenait sa structure à travers les “chioukhs”, ou chefs de tribu, qui administraient les aides et les subsides périodiques de la métropole de façon injuste, ce qui eut pour conséquence de créer un véritable système de corruption, où les chefs géraient leurs affaires quitte à démunir leur propre peuple, qui souffrait même de la faim. Tout ce système de corruption était connu du Gouvernement espagnol, qui laissait faire pour maintenir une paix politique complètement fictive. Cet état de fait créa petit à petit un malaise qui allat favoriser l’émergence d’un nationalisme jeune, en marge des vieilles structures tribales. »

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