La philosophie française et la vulnérabilité : histoire d’un oubli ?
Laure Barillas*
Quelle est la place de la vulnérabilité dans la philosophie française contemporaine, dans les éthiques du 20ème siècle en France ? Alors que les éthiques du care affrontent les défis contemporains en étendant une ontologie de la vulnérabilité à tous les membres de la société, les philosophies qui ont pensé la relation à l’autre en France au 20ème siècle semblent faire un usage très secondaire du concept de vulnérabilité. En effet, le terme « vulnérabilité » est assez rarement employé en tant que tel dans le corpus que forme la philosophie morale française du 20ème siècle. Quand il apparaît, son usage n’est pas systématique, il n’est pas repris et thématisé comme un des concepts fondamentaux de l’éthique. La question est alors double : qu’y a-t-il à la place de la vulnérabilité, quel concept prend en charge ce phénomène ? et quel est le fondement du rapport éthique à l’autre si ce n’est pas sa vulnérabilité ?
Tout d’abord, il s’agit de savoir si la responsabilité recouvre, dans la philosophie française, ce qui est désigné par le soin, le souci, la sollicitude pour les théories du care. Si le soin est une réponse à la vulnérabilité de l’autre, vise à le prendre en charge, à quoi la responsabilité répond-elle ? Quel est le socle sur lequel fonder une responsabilité dans ma relation à l’autre si ce n’est la vulnérabilité de tous ? Cette réflexion prendra moins la forme d’une comparaison entre les éthiques du care et les éthiques françaises du 20ème siècle mais plutôt celle d’une enquête sur l’oubli ou l’absence de la vulnérabilité dans certaines philosophies morales du 20ème siècle, représentées ici par Levinas, Sartre, Jankélévitch et Weil[i]. L’œuvre de Ricœur ne fera pas l’objet d’une analyse détaillée dans la mesure où son rapport à la vulnérabilité est à la fois explicite et bien connu, et dans la mesure où sa pensée mêle des traditions continentale, réflexive, phénoménologique, herméneutique et des traditions anglo-saxonne, celle des théories du care en particulier.
Sur la trace de la vulnérabilité
Les philosophies morales constituées par ces quatre auteurs partagent une conception illimitée de la responsabilité mais à quoi est-elle réponse ? A un principe moral universel ? A l’altérité ? Aux besoins fondamentaux du sujet ?
Définissons minimalement la vulnérabilité comme fragilité liée à la mortalité, à la corporéité et à la puissance d’agir - fragilité constitutive du sujet[ii]. Avoir et être un corps dans un environnement social, c’est être exposé à l’amour comme à la violence d’autrui. Les questions seront donc naturellement de savoir ce qu’il y a de différent, de plus ou de moins, dans le concept de vulnérabilité, par extension ou modification des concepts de mortalité, finitude, chair et corps. La vulnérabilité, c’est la possibilité d’exposition du sujet à la douleur physique, à la maladie, la possibilité d’exposition à la souffrance psychique et la possibilité d’exposition à la violence sociale. Ce sont bien ces trois dimensions qui existent dans la vulnérabilité[iii].
Il faut dès à présent écarter un soupçon qui mettrait un terme à l’enquête, le soupçon d’une simple différence de terminologie entre les termes, d’une époque à l’autre, d’un continent à l’autre. Il est légitime de se demander si finalement vulnérabilité n’est pas le terme plus récent et plus anglo-saxon qui a été donné à la finitude ou à la mortalité. Nous pensons qu’il y a bien une différence conceptuelle à l’œuvre, qui excède une variation terminologique. Ainsi Levinas, strict contemporain de Jankélévitch et de Sartre, emploie-t-il en tant que tel le terme de « vulnérabilité ». Il faut maintenir une différence entre le concept de vulnérabilité et ceux qui l’approximent comme mortalité, finitude, et même fragilité. Ce soupçon écarté, nous pouvons en venir à la méthode : recenser les usages soit du terme « vulnérabilité » lorsqu’il apparaît nommément, soit des termes connexes, comme « fragilité », « nudité », « obligation », « visage », « souci », « soin », « attention », « sollicitude ». Autre point de méthode, qui n’est plus de l’ordre de la recension mais de l’association d’idées : si les éthiques françaises contemporaines n’évoquent pas toujours explicitement le soin, la sollicitude, la vulnérabilité, elles sont pourtant obsédées, au sens lévinassien[iv] du terme, par le concept de responsabilité. Ainsi la responsabilité sert-elle d’indice pour mettre sur la piste de la vulnérabilité. Là où le concept de responsabilité paraît, il faut se demander sur quel principe il repose, ce qui la fonde. Est-ce la vulnérabilité ? Est-ce la même réalité mais qui reçoit un autre nom que celui de vulnérabilité, ou bien est-ce radicalement autre chose, la liberté, l’irréversibilité, les besoins de l’âme ?
Pour savoir ce qu’il en est précisément de la vulnérabilité, voici le chemin que l’on suivra au sein de chacune des philosophies morales : quelle est la définition du sujet, quelle est la place de l’autre, quelle est ma responsabilité à son égard, quelle notion de la liberté est défendue ? De cette façon, on encerclera, en quelque sorte, la vulnérabilité. Si elle doit apparaître, et si elle est présente, sous une forme ou sous une autre, elle se rendra visible dans ce champ des relations entre sujet, autrui, responsabilité et liberté. Cette constellation des concepts élémentaires de l’éthique (liberté, responsabilité, sujet, autrui, violence) dans la philosophie française permet de partir à la recherche de la vulnérabilité, de commencer à dire quelle y est sa place.
Responsabilité et finitude ou soin et vulnérabilité ?
Si la vulnérabilité appelle le care, le soin, la responsabilité est-elle réponse dans la relation éthique à l’autre. Y a-t-il une différence ? L’une des questions qu’il faut affronter, est celle de savoir s’il pourrait y avoir une sorte de correspondance, ou de communauté, entre d’un côté ce qu’est la finitude pour la philosophie française contemporaine, et ce qu’est la vulnérabilité pour les éthiques du care, entre la responsabilité et le soin. La finitude serait alors la version métaphysique de ce qu’est la vulnérabilité qui n’oublie pas l’incarnation. Le soin serait la version institutionnelle et concrète de la responsabilité métaphysique. Pouvons-nous croire à cette équivalence ? La question qui se pose, on la voit apparaître, derrière la place difficilement assignable de la vulnérabilité dans la philosophie française contemporaine, c’est celle de savoir si c’est la prégnance de la métaphysique ou de l’ontologie – Sartre, Jankélévitch, Levinas et Weil font de la morale une expérience métaphysique[v] – qui expliquent la relative absence de la vulnérabilité dans les philosophies morales françaises du 20ème siècle. Le deuxième enjeu de cette enquête conduit au fondement de la responsabilité : si elle n’est pas fondée directement sur la vulnérabilité de l’autre, peut-elle être son propre fondement ? En effet, si la vulnérabilité est difficile à saisir dans la philosophie française contemporaine, la question est bien de savoir sur quoi fonder l’éthique. Si ce n’est pas à proprement parler parce que l’autre est vulnérable que j’en suis responsable, qu’est-ce qui fonde cette responsabilité ?
Quatre hypothèses
Quatre directions se présentent pour rendre compte, sinon comprendre, de l’absence, de l’oubli ou du déni de la vulnérabilité comme concept éthique fondamental dans la philosophie française contemporaine :
La vulnérabilité peut recevoir d’autres noms que celui de vulnérabilité ; elle n’est donc pas réellement absente mais simplement désignée autrement : c’est le cas par exemple de l’œuvre de Simone Weil où l’on verra que l’attention au malheur peut ressembler au soin et au souci de l’autre des théories du care.
La vulnérabilité peut aussi être présente en tant que telle, nommée et récurrente, mais elle ne sert pas de fondement à proprement parler à la responsabilité et au rapport à l’autre : ce sera l’analyse qu’on soutiendra du rôle de la responsabilité dans la pensée d’Emmanuel Levinas. La responsabilité, toujours infinie, sera « sans pourquoi[vi] », sans justification possible et nécessaire, fût-ce celle de la vulnérabilité. Ce serait alors sacrifier l’hyperbolisme de la responsabilité que de la rendre conséquente de la vulnérabilité. Rendre l’éthique conséquente, même de la vulnérabilité universelle, c’est déjà ne plus en faire une fin absolue mais un moyen.
Les pensées morales de la philosophie française contemporaine conçoivent une responsabilité écrasante de l’ego, une relation à sens unique dans laquelle la réciprocité est tout à fait secondaire : c’est ce que l’on verra à l’œuvre chez Jankélévitch, et en partie également chez Sartre.
Ces éthiques ont en commun l’existence comme problème. Est-ce que l’oubli ou la reformulation de la vulnérabilité pourrait être une conséquence de cette position existentielle de la réflexion, de la conception de la vie comme existence ? Est-ce que l’existence oublie la vie, dans ses dimensions sociales, charnelles ?
La possibilité du malheur, l’autre nom de la vulnérabilité
Si la vulnérabilité n’apparaît pas dans la philosophie française, c’est peut-être qu’elle y reçoit d’autres noms que celui-là. Son invisibilité tient alors à un problème terminologique et non pas d’oubli ou refus du concept. L’œuvre dans laquelle apparaît la vulnérabilité, renommée, est celle Simone Weil. Au croisement de deux de ses concepts fondamentaux, l’obligation et l’attention, apparaît quelque chose comme la vulnérabilité. Pour cela, deux livres en particulier, L’Enracinement et L’Attente de Dieu, mettent sur la piste de la vulnérabilité. Un indice extérieur de la présence de quelque chose comme la vulnérabilité chez Simone Weil est l’intérêt suscité par son œuvre pour la philosophie du soin, et dont témoignent les références contemporaines[vii].
Le concept d’attention, dans L’Attente de Dieu, permet de comprendre ce que serait la vulnérabilité pour Simone Weil, terme qu’elle n’emploie que très rarement. L’attention est d’abord un « regard[viii] » qui se porte sur le malheur de l’autre, dans sa réalité concrète et non pas par rapport à une donnée métaphysique abstraite. La vie morale est tout entière cette tension et cet effort pour prêter attention[ix] au malheur. Pourquoi cette attention est-elle nécessaire ? Parce que le malheur produit de l’invisibilité ; il faut alors toute l’attention possible pour arriver à le voir. La vulnérabilité n’est pas seulement visible dans la blessure de la chair, elle est aussi présente qu’imperceptible dans le malheur qui déchire l’âme. C’est la raison pour laquelle la compassion est particulièrement difficile[x] : le malheur rend les malheureux invisibles et nécessite un effort extrême d’attention pour le voir. Le concept d’attention, qui fait l’objet d’une thématisation centrale dans L’Attente de Dieu, conduit à se demander s’il serait quelque chose comme un soin, un souci de l’autre semblable à celui mis en avant par les théories du care. En effet, Simone Weil fait de « la substance de l’attention[xi] » l’amour. Faire attention à l’autre, c’est penser la relation à l’autre comme amour. L’attention est naturellement définie comme le contraire du mépris ; elle est créatrice, souci et volonté de faire exister l’autre.
Pour bien comprendre ce qu’est l’attention, et le lien qu’elle peut avoir avec le concept de soin, il faut en revenir à la définition du malheur que développe Simone Weil. Dans l’Attente de Dieu, le malheur n’est pas décrit comme un état d’âme mais comme la destruction même de l’âme. Ce que l’amour peut créer, le malheur le détruit. Ainsi la violence est-elle précisément ce qui détruit la subjectivité humaine[xii]. Le malheur atteint trois dimensions : c’est à la fois la douleur physique, la souffrance psychique et la déchéance sociale. Cette définition rejoint les trois dimensions de la vulnérabilité définies au début de notre réflexion. Le malheur chez Simone Weil correspond à la vulnérabilité actualisée dans tous ses risques potentiels. Bien que le terme fragilité n’apparaisse que rarement en tant que tel, toute sa pensée est une philosophie du soin, de l’attention aux autres et à leurs besoins. Il y a donc une claire « remise en cause de l’autarcie morale chez Simone Weil[xiii] », remise en cause qui la lie profondément aux enjeux théoriques, politiques et éthiques du care et de sa remise en cause du paradigme kantien de l’autonomie morale. Ce geste apparaît avec force dans L’Enracinement, Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain. Simone Weil affirme dans la première partie que l’homme est l’être qui doit reconnaître des devoirs absolus et les pratiquer. Il doit sacrifier son âme au respect des obligations, plutôt que définir des droits à partir et en raison de sa propre subjectivité. Elle établit donc la liste des devoirs envers l’être humain, et ce qui est nouveau, par analogie avec les besoins matériels. Les besoins de l’âme sont ceux sans lesquels l’âme ne peut pas survivre. Cela revient à prendre en compte trois aspects de la vulnérabilité, physique, psychique et sociale. L’Enracinement témoigne également de l’effort nécessaire pour se mettre à la place de l’autre, pour éprouver sa souffrance, pour répondre à la vulnérabilité, y prêter attention et agir. A travers ce bref parcours dans l’œuvre de Simone Weil, on découvre une philosophie qui est à la fois métaphysique et morale mais aussi politique et sociale. Et c’est là aussi, on va le voir, une différence importante qui la distingue des éthiques françaises du 20ème siècle, cette prise en compte du malheur dans sa dimension sociale, de la réalité de la souffrance sociale et de la nécessité d’une réponse politique.
Vulnérabilité et responsabilité
Cette première hypothèse de la présence de la vulnérabilité, qui est nominalement absente mais thématiquement omniprésente, conduit à une deuxième hypothèse, en quelque sorte inverse, celle de la présence nominale de la vulnérabilité, mais présence qui ne prend pas la même direction que celle empruntée par le care. On passe alors à une configuration philosophique où la vulnérabilité est un fait, un fait premier même, mais qui ne suffit pas en tant que tel à fonder la responsabilité et l’éthique. Ce qui nous semble à l’œuvre dans la pensée de Levinas, pour le dire d’un mot, c’est que la vulnérabilité ne fonde pas à proprement parler la responsabilité, même si elle est une réalité première, c’est plutôt l’altérité radicale qui la fonde. Ce qu’il faut déterminer, c’est pourquoi cette responsabilité, toujours hyperbolique, et qui doit répondre à l’appel d’autrui, qui vient de sa vulnérabilité, n’est pourtant pas conséquente de la vulnérabilité. S’il est aisé de reconnaître la vulnérabilité dans les traits du malheur chez Simone Weil, il semble plus compliqué de saisir la place que ce concept joue dans l’éthique levinassienne. Le concept est bien présent et récurrent mais il ne semble pas correspondre tout à fait à la définition et à l’usage que les théories contemporaines font du concept de vulnérabilité.
La situation de Levinas est, en effet, plus ambiguë : la vulnérabilité est partout dans son œuvre, qu’il s’agisse de la fatigue[xiv], de la paresse[xv], du visage[xvi], de l’exposition[xvii], de la nudité, de la sensibilité. Tout cela témoigne de la vulnérabilité essentielle du sujet. Mais il semble pourtant que ce ne soit pas la vulnérabilité qui fonde pour autant la relation éthique. Ce n’est pas, en premier lieu, parce que l’autre est vulnérable que j’en suis responsable. C’est tout d’abord parce qu’il est autre, et irréductiblement autre que la responsabilité est la structure subjective première[xviii]. Le fondement de la responsabilité pour l’Autre chez Levinas est son altérité même, avant d’être sa vulnérabilité. Qu’est-ce qui permet d’affirmer cela ? Pour le comprendre, on peut se tourner vers « Liberté et commandement[xix] ». Dans cette conférence, donnée en 1962 devant la Société française de philosophie, Levinas présente les thèses qu’il a exposées dans Totalité et infini, et il introduit trois catégories fondamentales, le Même, l’Autre et l’Infini. La métaphysique classique a évincé la catégorie de l’Autre, et ne peut conduire qu’à une philosophie du Même et de l’autonomie. La relation à l’Autre n’est pas pensable dans la catégorie du Même, de l’identique, de l’horizontal. Levinas introduit ainsi entre le sujet et l’autre la Hauteur. L’Autre ne tient pas dans l’idée du Même, il est relation à l’Infini, cette extériorité qui apparaît dans le visage d’autrui : « L’Autre se présente alors comme Autrui, montre un visage, ouvre la dimension de la hauteur[xx] (…). » Ce n’est pas dans la réciprocité ou dans la symétrie que naît la relation éthique à l’autre, dans l’ordre de l’être ou de la connaissance, mais dans la reconnaissance de la Hauteur de l’Autre, dans l’ordre de l’autrement qu’être, de l’éthique.
C’est la responsabilité qui est la réalité première de l’éthique, qui se manifeste dès l’apparition de l’Autre. Le visage manifeste la vulnérabilité, cette partie du corps, nue, exposée. La responsabilité me fait renoncer à ma puissance pour reconnaître la vulnérabilité de l’autre. Et la responsabilité est même le premier moment de la subjectivation puisque je me constitue comme Moi dans la relation à l’Autre. Et l’on suit ici la logique de renversement propre à la pensée de Levinas : l’éthique est première, au détriment de l’ontologie, et l’Autre est donc premier. La responsabilité est une réponse à la mortalité et à la nudité, à la fragilité de l’Autre. Le visage est l’expression de cette faiblesse, de cette nudité, de la pauvreté de l’homme. Dans Autrement qu’être, les termes employés par Levinas accentuent cette hyperbole de la responsabilité et de son rapport à la vulnérabilité : « La subjectivité du sujet, c’est la vulnérabilité, exposition à l’affection, sensibilité, passivité plus passive que toute passivité[xxi]. » Cette vulnérabilité, si elle est bien réalité fondamentale de la vie du sujet, ne suffit pas à fonder la responsabilité. Cette responsabilité pour autrui est en effet réalité éthique et métaphysique et non pas simple fait anthropologique. La responsabilité doit en effet échapper à toute tentation d’extension à l’universalité – mouvement de pensée familier de la philosophie du Même[xxii]. Échapper à l’universalité du Même, c’est maintenir la reconnaissance de la Hauteur de l’Autre et la nature asymétrique de la responsabilité. Comme il le rappelle dans Au-delà du verset, ma responsabilité est toujours plus grande que celle de l’autre puisque je suis responsable de cette responsabilité même, et ceci à l’infini. La responsabilité est donc reconnaissance de la Hauteur de l’Autre, renoncement à toute attente de symétrie ou de réciprocité dans la responsabilité ; elle est in fine absolument injustifiée, absolument sans fondement, elle est « sans pourquoi[xxiii] ». Le visage de l’autre m’interpelle, certes. Cependant, rien ne conditionne ma responsabilité, pas même le visage, qui me rappelle à l’ordre mais qui ne fonde pas à proprement parler la responsabilité. La relation éthique est fondée sur cette asymétrie, cette disproportion qui doit être préservée. Et il y a quelque chose de très puissant à faire fonder l’éthique et la responsabilité non pas sur la vulnérabilité de l’Autre mais sur sa Hauteur. Sa Hauteur ne nie, bien entendu, pas sa vulnérabilité : elle se trouve sur un autre plan. Alors que la vulnérabilité est un phénomène qui m’apparaît, qu’elle est sensible, la Hauteur est en même temps une réalité métaphysique première que rien ne peut me dissimuler. En effet, on mesure bien ce qu’il y a de radical ici : la vulnérabilité est en quelque sorte mesurable, assignable, désignable alors que la Hauteur est irrémédiable.
On mesure bien l’écart entre la Hauteur telle que l’entend Levinas et la sollicitude telle que la comprend Ricœur dans Soi-même comme un autre[xxiv] : c’est la réciprocité et l’égalité qui se manifestent dans la sollicitude. On connaît les réticences formulées par Ricœur face à l’éthique levinassienne, dans laquelle il voit à l’œuvre un « terrorisme verbal[xxv] ». En effet, dans le refus de la réciprocité et de la symétrie, la vulnérabilité prend une autre apparence. Ce n’est plus seulement la vulnérabilité charnelle, d’un corps fragile soumis au monde, mais la vulnérabilité subjective d’un Moi dont l’origine se trouve en dehors de lui, dans l’Autre. En effet, être vulnérable, ce n’est plus seulement être faillible mais c’est être exposé à l’autre. La vulnérabilité se retourne en quelque sorte sur elle-même, elle est faille au sein même de mon être, structure aliénante, pour le dire dans les mots de Sartre, de ma subjectivité. Ma vulnérabilité ne m’apparaît plus seulement ou premièrement dans les épreuves du monde – même si elles demeurent omniprésentes dans l’œuvre de Levinas, comme en atteste le thème récurrent de la faim – mais aussi existentiellement au sein même de ma subjectivité dont je découvre qu’elle dépend en fait de l’existence de l’autre.
C’est bien à l’examen du rapport entre subjectivité et vulnérabilité qu’il faut désormais en venir.
Égologie première, vulnérabilité seconde
L’hypothèse suivante, et qui renverse l’asymétrie de la théorie levinassienne, est celle d’une forme d’égologie dans les philosophies morales françaises, qui maintiennent la vulnérabilité au second plan dans l’ordre de l’éthique. Ce n’est pas alors la relation à l’autre qui est première mais la responsabilité écrasante d’un ego, seul agent moral, sur lequel tout repose. Et c’est ce phénomène que l’on peut voir à l’œuvre, avec des intensités et dans des sensibilités différentes, dans les philosophies morales de Sartre et de Jankélévitch. Chacun à leur manière, Sartre avec la fragilité et Jankélévitch avec la mortalité, n’oublie cependant pas la vulnérabilité mais ne lui reconnaisse pas un rôle de fondement de l’éthique.
Pour comprendre ce qui arrive à la vulnérabilité dans ces éthiques, il faut revenir aux relations du sujet, de l’autre, de la responsabilité et de la liberté qu’elles tracent. Pour Sartre, et ce dès Les Carnets de la drôle de guerre et L’Être et le néant, si le pour-soi est radicalement responsable, c’est parce qu’il est tout aussi irrémédiablement libre. Cette responsabilité est totale, comme chez Levinas, mais à la remarquable différence que c’est le Moi qui est premier et l’Autre second[xxvi]. Alors que pour Levinas, l’Autre me constitue en sujet, pour Sartre, autrui me vole mon être, mon monde, mon temps[xxvii]. A cet égard, Sartre renoue avec la tradition réflexive : c’est bien à partir du sujet qu’on rencontre l’autre. Il appartient, sans doute, à cet égard à la philosophie impérialiste du Même que refuse Levinas. Il semble qu’il y ait néanmoins une place pour la fragilité de l’autre dans la morale sartrienne, en particulier dans L’Être et le néant et dans les Cahiers pour une morale. En effet, dans L’Être et le néant, le pour-soi, est défini comme incapacité à s’égaler, à coïncider avec soi : « il est ce qu’il n’est pas et n’est pas ce qu’il est ». Est-il insensé de voir dans cette impossibilité à coïncider avec soi une fragilité inhérente au sujet ? La fragilité serait alors ce fait de ne pas pouvoir être ce qu’on est et d’être ce qu’on n’est pas, quelque chose qui ressemble alors à la vulnérabilité. Mais là encore, comme la responsabilité, la vulnérabilité n’est pas orientée vers l’autre mais vers soi.
Les Cahiers pour une morale reprennent la même conception conflictuelle des relations avec autrui tel que L’Être et le néant les concevait, et élaborent une morale concrète qui puisse s’affranchir de cette réalité conflictuelle[xxviii]. Sartre ne revient pas sur le modèle de l’autonomie, et refuse toute asymétrie morale, mais fait une place à la vulnérabilité et à la fragilité. Le terme de vulnérabilité n’est présent qu’une seule fois dans les Cahiers alors que celui de fragilité, dont on peut penser qu’il désigne la vulnérabilité du corps, est presque récurrent. Le sujet y découvre la fragilité de la liberté qui se dévoile à moi. L’altérité insurmontable qui tendait L’Être et le néant est nuancée par le partage de notre fragilité :
Ainsi l’être de l’autre c’est mon affaire. Mais en outre si je veux que le projet soit réalisé par un homme, c’est que je veux qu’il soit victoire sur la fragilité. Ainsi j’assume cette fragilité. Elle devient précieuse. En terme de morale classique, je dirais qu’elle a une valeur. Elle est à la fois l’outil originel et l’obstacle nécessaire. Et c’est sous ce double point de vue que je la valorise[xxix].
Le sujet de la morale devient alors le gardien de la fragilité de l’autre, tonalité surprenante d’une morale qui jusqu’à présent faisait de l’authenticité, c’est-à-dire de la reprise de soi, l’idéal de la morale ! En effet, l’authenticité, que L’Être et le néant n’avait définit que très rapidement en note de bas de page « cela suppose une reprise de l’être pourri par lui-même, que nous nommerons authenticité et dont la description n’a pas place ici[xxx]. » Sa place sera en effet dans les Cahiers, qui s’attacheront à définir cette attitude morale par rapport à soi et non par rapport à l’autre. Et ainsi, le terme de « fragilité » est utilisée comme synonyme de finitude et de mortalité dans les Cahiers, mais demeure toujours cette primauté de l’ego :
C’est donc moi qui dévoile-crée la fragilité de l’autre. Ainsi la finitude qui vient par moi à l’autre c’est qu’il est, par rapport à ce que n’éclaire pas son projet, comme l’être qui n’est pas un autre être (il a le non-être de l’être), et sa fragilité, c’est qu’en dépassant l’être qu’il a à être, il ne dépasse pas tout l’être qu’il est[xxxi].
La fragilité se révèle ainsi bien différente de la vulnérabilité telle qu’on l’a définie en début de parcours : ce n’est pas tant la faillibilité d’un sujet, sensible à la douleur et au plaisir, à la souffrance et à la joie, au malheur et à l’amour, au soin et à la violence, qu’une structure qu’une limite ontologique de l’être-pour-autrui. Elle reste alors du côté d’une égologie qui donne la priorité au sujet sur la relation.
De la même façon, on s’aperçoit chez Jankélévitch que le sujet est à la fois fragile, mortel, et en même temps, démesurément responsable de l’autre. La philosophie de Jankélévitch, qui est entièrement morale, n’est pas tant une description de la vulnérabilité du sujet, qu’une analyse de la tension éthique vers des vertus que l’on ne peut atteindre que dans l’instant, sans jamais les posséder. L’existence est placée sous le signe de la tension vers le Bien, toujours insaisissable. C’est donc moins la vulnérabilité qui va guider la responsabilité que la mortalité et l’exigence de « faire le bien séance tenante[xxxii] ».
Le premier indice de la présence de ce qui ressemble à la vulnérabilité dans l’œuvre de Jankélévitch, c’est l’obsession de la finitude. Partout dans son œuvre, om réaffirme l’irréversibilité du temps et le caractère fini de la vie humaine. Cette finitude a des conséquences morales très importantes puisque l’éthique de Jankélévitch a une teneur toute temporelle. La finitude a, même si elle porte un nom plus métaphysique que celui de vulnérabilité, une valeur de fragilité qui m’oblige et me donne des devoirs envers elle. Dans son traité sur La Mort figure par exemple un chapitre analysant le vieillissement[xxxiii] qui témoigne bien de cette fragilité métaphysique et organique de la vie humaine. De même, ses entretiens témoignent d’une réflexion très profonde sur l’euthanasie, qui prolongent l’intérêt pour l’éthique médicale et pour le vitalisme qui s’est exprimé dès son entrée en philosophie[xxxiv]. Il y a un clair souci de la vulnérabilité humaine qui s’exprime dans toute son œuvre mais qui prend une forme tout aussi métaphysique, dans la formulation temporelle de la morale. C’est la temporalité qui permet de comprendre la vulnérabilité ; elle est fondamentalement la forme de ma vie, et de ma fragilité, et l’éthique n’est plus orientée par un devoir ou un contenu moral mais par un rapport moral au temps. Cette détermination temporelle de la vie humaine a des conséquences très forte pour la conduite de l’action et pour sa formalisation dans une morale cohérente. En effet, l’irréversibilité change la donne de la morale. L’irréversibilité contenue dans chaque instant est exprimée dans le concept que forge Jankélévitch : la « primultimité ». L’acte moral se caractérise dès lors par le refus de tout repli moratoire, de tout dérobement devant l’imminence et l’immédiateté de la conduite morale à mener. On retrouve la même asymétrie de la responsabilité écrasante pour le sujet que chez Sartre :
Le mystère déraisonnable et même injuste de la responsabilité métempirique réside en ceci qu’elle n’est pas une charge dont l’un puisse se décharger sur l’autre, ni un service dont le responsable puisse être dispensé par son voisin[xxxv].
Même si la vulnérabilité laisse une trace dans les œuvres de Jankélévitch et de Sartre, il semble que ce soit toujours vers le Moi que la morale s’oriente, toujours vers la finitude qu’elle se tourne. En effet, qu’elle soit fondée sur la liberté ou sur l’irréversibilité, la responsabilité est d’abord responsabilité pour moi d’un autre qui ne surgit qu’ensuite. Ces deux philosophes ont en commun, outre cette modalisation du rapport entre vulnérabilité et égologie, d’avoir fait de l’existence le problème philosophique premier et d’avoir indissociablement mêlé métaphysique et morale. Si la vulnérabilité disparaît, c’est donc peut-être parce que dans des philosophies de l’existence, et non de la vie, c’est la finitude qui l’emporte. Alors que Jankélévitch est le grand héritier de Bergson, il abandonne en quelque sorte cette question première de la vie, ou plutôt elle reparaît sous la forme d’une interrogation première sur la mort, dans une dimension métaphysique et morale. Les philosophies de l’existence, contre le vitalisme, donne donc une place prévalente à la mort et à la finitude.
Existentialiser la vie, oublier la vulnérabilité ?
Ces éthiques ont bien en commun l’existence comme problème, même s’il s’exprime de manière différente chez chacun. Est-ce que l’oubli ou la reformulation de la vulnérabilité pourrait être une conséquence de cette position existentielle de la réflexion, de la présentation de la vie comme existence ? Est-ce que l’existence oublie la vie, dans ses dimensions à la fois charnelles et sociales ? La philosophie de Simone Weil semble d’entrée de jeu échapper à ce constat. En effet, par l’attention au malheur, elle prend au sérieux les dimensions physiques et sociales de la souffrance. Il apparaît donc clairement que sa position théorique dans la philosophie française du 20ème siècle est la plus proche de celle des théories contemporaines de la vulnérabilité. Elle laisse une véritable place à la sollicitude et au souci de l’autre dans toutes les dimensions de la vie, y compris sociales. Même si Levinas reprend de manière centrale le concept de vulnérabilité, le souci de l’autre et la responsabilité sont tels que le sujet ne semble pas en mesure d’y faire face. Ricœur lui reproche ainsi de ne faire droit qu’à un aspect de la subjectivité, soit sa passivité. Dans Philosophie, éthique et politique, Ricœur déplore ainsi que la responsabilité lévinassienne « requiert de moi une passivité absolue ». Par opposition à l’égologie, husserlienne en particulier mais que l’on voit également à l’œuvre chez Sartre, Levinas prive le sujet de son agency, de son pouvoir d’initiative. La responsabilité n’est pas seulement celle d’un sujet souffrant, mais aussi agissant – l’on retrouve l’ambivalence de l’anthropologie ricoeurienne. Ce n’est pas un reproche que l’on peut adresser à Sartre et à Jankélévitch qui n’ont pas réduit la dimension d’initiative du sujet, bien au contraire, puisque tout part du sujet. Ils ont bien donné à la responsabilité sa dimension à la fois éthique et politique. Mais ils ont inversement, refusé la première place à la vulnérabilité. Et ce pour des raisons qui semblent liées à leur conception de l’existence. En effet, c’est parce que la morale et la métaphysique sont une seule et même chose que la finitude prend le pas sur le vulnérabilité. C’est donc la difficulté de penser à la fois la responsabilité du sujet vulnérable et la capacité d’action du sujet libre dans le problème de l’existence qui apparaît ici.
In fine, la place de la vulnérabilité dans les philosophies françaises du 20ème siècle semble très liée à un concept qui n’a pas encore été convoqué, celui de relation. La vulnérabilité, c’est la fragilité en relation avec autrui, ce n’est pas la simple juxtaposition des mortalités, le simple partage de la finitude, c’est la relation entre des sujets vulnérables. Il ne s’agit plus d’individus finis et séparés mais de sujets en relation dans la vulnérabilité. Et c’est sûrement la raison pour laquelle les prolongements sociaux et politiques des théories contemporaines de la vulnérabilité sont aussi essentiels.
Bibliographie
Sous la direction de Dumont Martin et Zaccai-Reyners Nathalie, Penser le soin avec Simone Weil, Paris, Puf, Questions de soin, 2018
Jankélévitch Vladimir, Traité des vertus, Paris, Bordas, 1949
Jankélévitch Vladimir, La Mort, Paris, Champs Essais, Flammarion, 1977
Jankélévitch Vladimir, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien. La Volonté de vouloir. Tome 3, Paris, Essais, Seuil, 1980
Janiaud Joël, Simone Weil. L’attention et l’action, Paris, Puf, Philosophies, 2002
Levinas Emmanuel, Liberté et commandement, Paris, Biblio Essai, Livre de Poche, 1999, pp. 59-92
Levinas Emmanuel, Autrement qu’être, « L’exposition », Paris, Biblio Essais, Livre de Poche, 1990
Levinas Emmanuel, Totalité et infini, « Le visage et l’extériorité », Paris, Biblio Essai, Livre de poche, 1990
Levinas Emmanuel, De l’existence à l’existant, Paris, Vrin, 1947
Ricœur Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Points, Seuil, 1990
Salzmann Yvan, Sartre et l’authenticité, Vers une éthique de la bienveillance réciproque, Paris, Labor et Fides, 2000, p 118-131
Sartre Jean-Paul, L’Etre et le néant, Paris, Tel, Gallimard, 1943
Sartre, Jean-Paul, Cahiers pour une morale, Paris, NRF, Gallimard, 1983
Weil Simone, L’Attente de Dieu, Paris, Éditions Fayard, 1966
Zielinski Agata, Emmanuel Levinas. La responsabilité est sans pourquoi, Paris, Puf, Philosophies, 2014
*Biographie de l'autrice
Laure Barillas est agrégée de philosophie, diplômée de l’ENS (Ulm) et de Sciences Po (Paris). Elle termine actuellement une thèse en philosophie française contemporaine sous la direction de Frédéric Worms.
[i] Comment justifier le choix de ce corpus restreint ? Tout d’abord par une raison matérielle, en réduire l’ampleur ! Mais aussi parce que les philosophies du premier Sartre, de Levinas, de Jankélévitch et de Weil sont de vrais systèmes d’éthiques ; elles proposent toutes une articulation des concepts de liberté et responsabilité, proposent toutes une définition du sujet et de ses rapports avec autrui. Puisque la question est : « est-ce que la philosophie française a oublié la vulnérabilité, l’a ignorée, l’a refoulée, l’a cachée ? », il faut pouvoir trouver des lieux qui articulent explicitement et clairement le rapport du sujet à l’autre. C’est la méthode que nous avons choisie : c’est en cherchant dans le voisinage tracé par les concepts de responsabilité, liberté, altérité et relation que la vulnérabilité pourra apparaître, dans sa présence ou dans son absence. Nous laissons donc volontairement laissé de côté, une grande partie des figures de la philosophie française, comme celle de Jean Wahl, Camus, Bachelard, Merleau-Ponty, Deleuze, parce que la méthode exige un corpus qui articule explicitement les concepts éthiques fondamentaux pour savoir où se trouve ou où devrait se trouver la vulnérabilité, et ce qui s’y trouve à la place.
[ii] C’est la définition minimale à laquelle peuvent donner leur consentement les différentes sensibilités de la théorie du care. Ici, il ne s’agit pas, encore une fois, de comparer les éthiques françaises et celles du care mais de se demander pourquoi la vulnérabilité est au mieux un concept secondaire dans leur dispositif conceptuel.
[iii] Ces trois dimensions sont aussi réversibles et elles signifient autant la possibilité d’exposition au plaisir, à l’amour, à la joie comme le note Judith Butler dans son dernier livre, Notes Toward a Performative Theory of Assembly. Harvard University Press. 2015, p. 148
[iv] Lire à ce sujet le chapitre de Haar Michel, « 3 - L’obsession de l’autre chez Levinas », dans La Philosophie française entre phénoménologie et métaphysique. sous la direction de Haar Michel. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Perspectives critiques », 1999, pp. 67-84
[v] L’orientation métaphysique de la morale est explicitement affirmée par Sartre et Jankélévitch. Dans ses Carnets de la drôle de guerre, Sartre écrit « Je cherchai donc une morale en même temps qu’une métaphysique et je dois dire que, spinoziste en cela, jamais la morale ne s’est distinguée à mes yeux de la métaphysique. » (Les Carnets de la drôle de guerre, Club Express, Gallimard, Paris, 1983, p. 106). Quant à Jankélévitch, c’est le projet qui est à l’origine même de Philosophie première.
[vi] Cf. Zielinski Agata, Emmanuel Levinas. La responsabilité est sans pourquoi, Paris, Puf, Philosophies, 2014
[vii] Voir par exemple, l’ouvrage publié sous la direction de Dumont Martin et Zaccai-Reyners Nathalie, Penser le soin avec Simone Weil, Paris, Puf, Questions de soin, 2018.
[viii] cf. Weil Simone, L’Attente de Dieu, Paris, Éditions Fayard, 1966, p. 75
[ix] cf. Janiaud Joël, Simone Weil. L’attention et l’action, Paris, Puf, Philosophies, 2002
[x] « La capacité de faire attention à un malheureux est chose très rare, très difficile ; c'est presque un miracle ; c'est un miracle. Presque tous ceux qui croient avoir cette capacité ne l'ont pas. La chaleur, l'élan du cœur, la pitié n'y suffisent pas. » (Weil Simone, L’Attente de Dieu, Paris, Éditions Fayard, 1966, p. 74)
[xi] Weil Simone, L’Attente de Dieu, Paris, Éditions Fayard, 1966, p. 74
[xii] C’est ce qu’elle affirme dans « L’Iliade ou le poème de la force » : « La force, c'est ce qui fait de quiconque lui est soumis une chose. Quand elle s'exerce jusqu'au bout, elle fait de l'homme une chose au sens le plus littéral, car elle en fait un cadavre. Il y avait quelqu'un, et, un instant plus tard, il n'y a personne. »
[xiii] cf. titre de l’article de Valérie Gérard « La remise en cause de l'autarcie morale : le sentiment de soi et les mobiles de l'action chez Simone Weil » in Les Études philosophiques, PUF, 2007/3 n° 82, pages 139 à 154
[xiv] Emmanuel Levinas, De l’existence à l’existant, Paris, Vrin, 1947, pp. 37-47
[xv] Emmanuel Levinas, De l’existence à l’existant, Paris, Vrin, 1947, pp. 28-35
[xvi] Voir par exemple : Emmanuel Levinas, Totalité et infini, « Le visage et l’extériorité », Paris, Biblio Essai, Livre de poche, 1990, pp. 203-283
[xvii] Voir par exemple : Emmanuel Levinas, Autrement qu’être, « L’exposition », Paris, Biblio Essais, Livre de Poche, 1990, pp. 43-99
[xviii] On peut d’ailleurs remarquer que dans la section « La responsabilité pour autrui », qui figure dans Autrement qu’être (op. cit., pp. 22-25), c’est seulement dans sa dimension temporelle, et non pas charnelle ou ontologique, qu’est envisagée la responsabilité.
[xix] Repris dans Emmanuel Levinas, Liberté et commandement, Paris, Biblio Essai, Livre de Poche, 1999, pp. 59-92
[xx] Liberté et commandement, op.cit., p. 63
[xxi] Autrement qu’être, op.cit., p. 85
[xxii] « Le mythe d’une conscience législatrice des choses, où se réconcilient différence et identité, est le grand mythe de la philosophie. Il repose sur le totalitarisme ou l’impérialisme du Même. Défini par l’universalité du Même, l’idéalisme se retrouve jusque dans les philosophies qui le dénoncent le plus âprement. » (Liberté et commandement, op. cit., p. 70)
[xxiii] Voir le livre d’Agata Zielinksi, Emmanuel Levinas. La responsabilité est sans pourquoi, op.cit.
[xxiv] Ricœur Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Points, Seuil, 1990, p. 236
[xxv] Ricœur Paul, Autrement. Lecture d’autrement qu’être…, Paris, puf, Les Essais du Collège international de philosophie, 1997, p. 20
[xxvi] Il est bien connu, et abondamment commenté, que l’Autre n’apparaisse pas avant la troisième partie dans L’Être et le néant. Voir par exemple, « Une théorie radicale des relations humaines », in Nouvelles Lectures de L’Être et le néant, sous la direction de Jean-Marc Mouillie et Jean-Philippe Narboux, Paris, Les Belles Lettres, 2015, pp. 159 et sq.
[xxvii] « Autrui détient un secret : le secret de ce que je suis » (Sartre Jean-Paul, L’Être et le néant, Paris, Tel, Gallimard, 1943, p. 404) ; autrui « me vole mon temps qui-se-temporalise, il en fait le temps de l’univers » (Sartre, Jean-Paul, Cahiers pour une morale, Paris, NRF, Gallimard, 1983, p. 97)
[xxviii] Cf. Salzmann Yvan, Sartre et l’authenticité, Vers une éthique de la bienveillance réciproque, Paris, Labor et Fides, 2000, pp. 118-131
[xxix] Sartre, Jean-Paul, Cahiers pour une morale, Paris, NRF, Gallimard, 1983, p. 522
[xxx] L’Etre et le néant, op.cit., p. 106
[xxxi] ibid., p. 516
[xxxii] Jankélévitch Vladimir, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien. La Volonté de vouloir. Tome 3, Paris, Essais, Seuil, 1980, p. 42
[xxxiii] Jankélévitch Vladimir, La Mort, Paris, Champs Essais, Flammarion, 1977, chapitre VI, pp. 186-218
[xxxiv] Ainsi son tout premier article publié est-il intitulé « Deux philosophes de la vie, Bergson et Tuyau », Revue philosophique de la France et de l’étranger, 49, 2, pp. 402-449 (il est repris dans Premières et dernières pages).
[xxxv] Jankélévitch Vladimir, Traité des vertus, Paris, Bordas, 1949