Actes n°6 / Doctorales 58 : Scripta manent. Sources, traces, témoignages : la question de la transmission

Déconstruire le mythe de la chute des Burgraves de Hugo : réalité et représentations du 7 mars 1843

Agathe Giraud

Résumé

L’histoire littéraire a périodisé le drame romantique en s’appuyant pendant près d’un siècle et demi sur le mythe de la chute des Burgraves de Hugo en 1843. En réalité, cette borne prise pour dater la fin du romantisme théâtral est une mystification de l’histoire littéraire que l’historien du théâtre doit déconstruire en s’appuyant sur des archives et des sources diverses et en étant conscient des conditions d’énonciation des discours qui ont amené à la construction du mythe. Si les registres de la Comédie-Française permettent de confronter la légende à des faits objectifs et de reconstituer la réalité du 7 mars, les journaux de l’époque sont au contraire des témoignages orientés pour abattre ou défendre publiquement Victor Hugo. L’histoire littéraire s’est donc appuyée sur les sources publiques qui criaient à l’échec de la pièce et a fait taire les voix dissidentes. À l’historien du théâtre d’exhumer ces sources pour déconstruire le mythe.

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Déconstruire le mythe de la chute des Burgraves de Hugo : réalité et représentations du 7 mars 1843

Agathe Giraud*

 

Le 7 mars 1843 Les Burgraves de Victor Hugo sont joués à la Comédie-Française. Très vite naît un mythe théâtral qui perdure pendant près d’un siècle et demi : celui de la chute des Burgraves, et avec lui de tout le drame romantique. Le dernier drame de Hugo constituerait, selon la formule de Camille Latreille dans sa thèse en 1899, le « Waterloo du romantisme » (Latreille, 1899, p.84). L’histoire littéraire a voulu faire croire à l’échec de la pièce pour mettre à mort Victor Hugo et le drame romantique, tous deux trop dérangeants pour la scène française et les enjeux politiques, moraux et sociaux de la France : les romantiques, indignes patriotes car pétris de l’influence de la littérature étrangère, perturberaient le système théâtral, garant et reflet de l’ordre social. La scène, réputée classique, de la Comédie-Française, serait envahie par les héros romantiques, avec leurs poignards et leurs poisons. Ils seraient juste bons à être des personnages de mélodrame. Pour couronner le tout, le drame hugolien ne sauve pas ses personnages par une fin providentielle et l’ordre social n’est pas restauré. Le drame ne fortifierait donc pas le lien social mais au contraire l’anéantirait. Ainsi, dire que le drame romantique meurt en 1843, c’est lui attribuer une période d’existence la plus courte possible – de 1830, avec Hernani, à 1843, avec Les Burgraves – et essayer de minimiser son intérêt et son impact culturels (Naugrette, 2011).

Mais à la fin du XXe siècle, des travaux d’historiens du théâtre mettent en cause la borne de 1843 prise par l’histoire littéraire pour périodiser le drame romantique, notamment par un travail dans les archives de la création de la pièce. En 1995, Patrick Berthier montre que la pièce n’a pas chuté : elle a été jouée trente-trois fois, nombre de représentations tout à fait habituel à l’époque, et les recettes sont honorables (Berthier, 1995). En 2008, Olivier Bara étudie la pièce de Ponsard, Lucrèce, qui a, pendant un siècle et demi, était considérée comme le retour de l’esthétique classique sur la scène française, avec un succès en avril 1843 à l’Odéon, un mois après le début des représentations des Burgraves. Ce succès, parallèle à l’échec de Hugo, serait la preuve que la dernière heure du romantisme a sonné. Or Olivier Barra montre que ce succès est un succès de circonstance, dû à une médiatisation par les ennemis néo-classiques de Hugo. Le prétendu échec des Burgraves est orchestré par une cabale dressée contre la pièce, mais aussi et surtout contre le drame romantique et Hugo. Ces travaux témoignent donc de la nécessité d’interroger le discours de l’histoire littéraire et de déconstruire le mythe de la chute des Burgraves, discours qui se veut officiel car relayé dans les manuels scolaires, les programmes des examens et concours mais aussi dans certains propos du discours universitaire1.

Nous voudrions montrer que c’est par un travail dans les archives, surtout celles de la création et de la réception immédiate en 1843 – registres de la Comédie-Française, manuscrit du souffleur, correspondances, journaux intimes, revue de presse – que nous pouvons comprendre comment ce mythe a été construit, et ainsi le déconstruire. Il s’agit de confronter la légende aux faits que les archives offrent. Le mythe de la chute des Burgraves peut et doit être déconstruit par un travail d’historien du théâtre, dans les sources qui sont à l’origine du mythe, mais aussi dans celles qui ont été évincées par le discours officiel de l’histoire littéraire. En effet, si les sources qui prouvent que Les Burgraves n’ont pas chuté existent bel et bien, pourquoi l’histoire littéraire n’en parle-t-elle pas ? Pourquoi écouter le journal Le Constitutionnel qui parle de « revers » (Le Constitutionnel, 31 mars 1843) pour qualifier la représentation du 7 mars 1843 alors que le registre de la Comédie-Française note « succès contesté » (Registre des recettes journalières de la Comédie-Française, cote R262) pour la même première représentation ? Pendant plus d’un siècle, c’est la position du Constitutionnel qui est retenue. L’historien du théâtre doit tenter de comprendre pourquoi telle voix a été davantage entendue par l’histoire littéraire et prise comme témoin privilégié de l’événement de 1843, et pourquoi telle autre a au contraire été enfouie dans l’oubli.

Les sources dont nous disposons ont chacune un certain degré de fiabilité et sont amenées parfois à se contredire. C’est pourquoi il est difficile de détricoter le mythe de la chute des Burgraves. Nous montrerons comment il est nécessaire de faire dialoguer les sources entre elles et d’examiner leurs conditions d’énonciation pour tenter d’établir la réalité de la soirée du 7 mars 1843, qui a été interprétée et reconstruite dès la même année, représentation perpétuée pendant toute la fin du XIXe siècle et une grande partie du XXe siècle. Pour espérer approcher la vérité de cet événement, il faut distinguer les sources qui se contentent d’établir des faits, celles qui ont un intérêt public et celles qui sont de l’ordre du privé et de l’intime. Ainsi, Le Constitutionnel parle d’échec car c’est un journal antiromantique et antihugolien qui se doit d’abattre publiquement Victor Hugo, alors que le registre de la Comédie-Française n’a aucun intérêt public : sa fonction est juste de noter les faits.

Notre enquête pour savoir si le 7 mars 1843 a véritablement été un succès ou un échec commencera donc par l’établissement des faits : les registres financiers, les procès-verbaux des séances du comité de lecture et des assemblées du théâtre constitueraient des sources dont la véracité serait indéniable. Il apparaît très clairement, par ces archives, que la pièce n’a pas chuté. Nous nous intéresserons ensuite aux sources relevant du privé ou de l’intime – journal intime de Mlle Mars, lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo – qui eux aussi ne parlent pas d’échec, mais de succès ou alors de représentations mouvementées, du fait de la cabale qui s’acharne contre la pièce2. Nous verrons au contraire comment ce sont principalement les discours relevant d’un enjeu public qui cherchent à abattre la pièce et Victor Hugo. Même si dans ces discours relevant de la sphère publique plusieurs parlent de succès, nous verrons enfin comment l’histoire littéraire les enfouit dans l’oubli et opère un tri des sources pour construire une « contrevérité officielle » selon l’expression de Pierre Laforgue (2002, p.25).

 

1. Confronter la légende aux faits : les registres de la Comédie-Française

Les archives de la Comédie-Française conservent plusieurs types de registre où sont consignés jour après jour des détails permettant à l’historien du théâtre d’enquêter avec précision pour établir la vérité du 7 mars 1843. Ces documents n’ont pas d’autre vocation au moment de leur création que celle de retranscrire les faits, pour l’administration interne du théâtre : ils constituent donc la source la plus fiable pour l’historien puisqu’ils n’ont pas pour but de défendre ou d’accuser Victor Hugo et n’obéissent donc pas à une logique discursive implicite.

La pièce n’est pas sujet à débat lors de sa présentation au Comité de lecture de la Comédie-Française le 23 novembre 1842 : « Le comité a voté au scrutin secret. Dépouillement : treize boules blanches, une boule rouge. L’ouvrage a été reçu »3. La pièce est acceptée sans correction ni remarques particulières : rien ne présage alors la cabale qui va s’acharner contre l’œuvre, excepté peut-être que c’est une pièce de Victor Hugo, qui n’a rien donné au théâtre depuis 1838 avec Ruy Blas et que ses ennemis attendent au tournant.

Les registres des recettes journalières notent le nom de la pièce jouée, le montant de la recette du jour, le nombre de places vendues, et tout commentaire sur la représentation dont il est question. Ainsi, il est écrit « succès contesté »4 à la date du 7 mars 1843 : la pièce n’est pas un four, mais la mention de contestations peut s’expliquer par la cabale ourdie par les ennemis de Victor Hugo, dont la colère est attisée depuis le mois de décembre par l’affaire Mlle Maxime qui devait jouer le rôle de Guanhumara5. Hugo retire le rôle à l’actrice au bout d’une trentaine de répétitions. Mlle Maxime traîne en justice Hugo et le théâtre. Le tribunal de première instance et la cour d’appel de Paris se déclarent incompétents et ne condamnent ni Hugo ni la Comédie-Française. Mais cette victoire juridique n’empêche pas Hugo d’être l’objet d’une cabale menée par les partisans de Mlle Maxime qui sont là moins pour défendre Mlle Maxime que pour assassiner une bonne fois pour toutes Hugo et la clique romantique qui ose s’immiscer sur la scène du Français. C’est parce qu’elle est médiatisée par cette affaire que la pièce de Hugo attire autant l’attention : on crie à l’échec avant même la première. Les ennemis de Hugo sont donc prêts à siffler la pièce le 7 mars, comme en témoigne l’édition annotée des Burgraves étudiée par Evelyn Blewer (1999) : c’est probablement ce qui explique le caractère « contesté » du « succès » de la pièce. Mais l’histoire littéraire a oublié cette cabale pour faire croire que la pièce était intrinsèquement mauvaise6.

C’est surtout par les indications des recettes journalières que ces registres présentent la preuve indubitable que Les Burgraves n’ont pas chuté7. La pièce est jouée dix-neuf fois seule (du 7 mars 1843 au 20 avril 1843) avant d’être mise à l’affiche avec une autre pièce du répertoire pour les quatorze représentations suivantes – devenir habituel de toute pièce lorsque les recettes commencent à être moins élevées – c’est-à-dire trente-trois fois au total, ce qui est un nombre honorable de représentations à l’époque. Henri Lyonnet, en 1930, consulte déjà ces registres et conclut à l’échec – « à la onzième représentation, la recette était tombée à 1328 francs. A la trente-troisième et dernière, elle n’atteignit pas 500 francs » (Lyonnet, 1930, p.164) – mais il ne relativise pas ces chiffres. En effet, il faut comparer les recettes des Burgraves avec d’autres pièces de la même époque et d’autres drames romantiques, pour voir si la pièce de Hugo obéit ou non à un schéma à part. La recette la plus importante est de 2967 francs lors de la quatrième représentation et la plus basse est de 402 francs (jouée avec L’Art et le métier, comédie de Masselin et Veyrat). Henri III et sa cour, pièce souvent prise avec Hernani comme le moment où le drame romantique s’impose sur la scène, est jouée 46 fois en 1830. Certes les recettes dépassent largement celles des Burgraves – elles avoisinent souvent 5000 francs – mais une courbe comparée des recettes montre que les deux pièces suivent un schéma similaire : une fois l’émulation des premières représentations passée, les recettes baissent peu à peu et la pièce est jouée accompagnée d’une deuxième. En 1843, les recettes de la Comédie-Française sont généralement moins élevées qu’au début des années trente. Les Burgraves suivent donc le devenir habituel des œuvres romantiques jouées à la Comédie-Française, que ce soit en 1830 ou en 1843, et ne font pas moins recette que les autres. Une différence notable apparaît cependant lorsque l’on regarde les archives de 1843 des spectacles joués à la Comédie- Française avec Rachel dans un rôle-titre : la courbe des recettes de Phèdre, jouée dès janvier 1843, reste horizontale. La pièce ne chute pas, que ce soit à la cinquième ou à la vingtième représentation et les recettes restent stables, autour de 5000 francs. Les Burgraves, qui sont donc joués en même temps, ne peuvent faire le poids. Mais leur prétendu échec est à relativiser : Victor Hugo ne fait pas consensus comme le fait Racine, auteur canonisé et classique, et les acteurs des Burgraves ne passionnent pas autant que la « star » Rachel. Comme l’écrit Gautier dans La Presse le 2 mai 1843 : « L’intérêt qui s’attache à Mlle Rachel ne s’étend pas aux pièces qu’elle joue ».

 

2. Les sources privées ou intimes

Si les sources trouvées dans les archives de la Comédie-Française nous permettent d’affirmer qu’il s’agit d’un « succès », même « contesté », il en est de même des sources relevant de la sphère privée et intime. La seule difficulté est d’exhumer ces sources, qui souvent, par leur caractère non public, restent inconnues ou oubliées. Les ennemis de Victor Hugo ont pu s’imposer par la force du tapage médiatique de la cabale8, alors que parfois ceux qui parlaient de succès sont restés plus discrets. Dans son journal intime, Mlle Mars écrit ainsi à la date du 7 mars que « la pièce a réussi »9.

Les lettres que Juliette Drouet envoie quotidiennement à Victor Hugo fournissent également des témoignages éclairants sur l’événement de 184310.  L’admiration de Juliette pour la pièce n’est pas réductible à l’amour qu’elle ressent pour son « grand homme ». Elle loue à plusieurs reprises la beauté de l’ouvrage et parle de la représentation des Burgraves de Hugo comme « le succès de la plus belle de [ses] pièces »11. Elle évoque aussi la cabale à l’œuvre pour mettre en échec le drame de Hugo le soir de la première, mais précise que cette cabale a échoué, car la pièce est de qualité : « Nous devons cependant nous réjouir de la victoire d’hier car avec la malveillance évidente qu’il y avait dans la salle, et la faiblesse des acteurs, il a fallu que ta pièce fût la plus belle que tu eusses faite pour triompher de la haine violente de tes ennemis et de la médiocrité des acteurs »12. Si la pièce est un succès à la première, les ennemis de Hugo continuent de vouloir la faire chuter et les lettres de Juliette Drouet nous permettent de prouver l’acharnement de la cabale contre Les Burgraves qui alternent entre représentations à succès et représentations houleuses. Le 9 mars semble avoir été une représentation où les ennemis ont davantage donné de la voix : « Il est vrai de dire que, grâce à l’acharnement stupide de tes ennemis, tu es obligé de suivre les représentations plus longtemps et avec plus de soin que de coutume »13. Au contraire, le 11 mars est une représentation où le succès éclate : « Quelle belle soirée que celle d’hier, mon Toto, quelle magnifique représentation. C’est une des plus belles que tu aies jamais eues, mon Toto ravissant. Mais aussi c’est si beau, si admirablement beau, si saisissant et si sublime que les intelligences les plus bornées et les ennemis les plus féroces sont obligés d’admirer »14 La métaphore guerrière parcourt les lettres de Juliette Drouet : « Aussi ce soir j’ai la conviction que nous enterrons [sic] les Maximilien et leur honteuse opposition »15.

Aux lettres de Juliette Drouet s’ajoutent quelques lettres d’amis ou de proches de Victor Hugo où encore une fois on ne parle pas d’échec. Si par exemple Vigny (1997, p.781) parle de cabale, cela ne veut pas dire que la pièce a chuté, et bien au contraire, pour lui, la pièce est telle qu’aucune cabale ne fera le poids : « Laissez passer la cabale, mon cher Victor, Les Burgraves ne peuvent tomber, c’est une œuvre immortelle ». Certes Vigny tente peut-être de rassurer son ami, mais cette lettre envoyée le 10 mars 1843 témoigne que la première représentation n’est pas un four comme le prétend l’histoire littéraire, puisque la pièce est toujours à l’affiche. Une lettre de Léopoldine nous indique également l’enthousiasme qui parcourt les rangs hugoliens à la suite du 7 mars 1843 : « Mon bon père chéri, j’ai bien des félicitations à te faire, bien des choses à te dire. Je savais bien que ton magnifique drame serait compris du public, mais il l’a été, il paraît, aussi complètement que possible »16.

 

3. Abattre ou défendre publiquement Victor Hugo

Au contraire des archives présentes à la Comédie-Française ou des sources relevant de l’intime et du privé, les discours qui s’inscrivent dans la sphère publique cherchent à occuper une place précise dans le champ littéraire de 1843. Leurs conditions d’énonciation doivent être rigoureusement étudiées pour comprendre pourquoi tels discours attaquent la pièce de Victor Hugo et crient à l’échec tandis que d’autres la défendent et parlent de succès.

Ainsi, les dossiers de presse constituent souvent pour l’historien du théâtre la première entrée dans la réception d’une œuvre. Malgré le fonds inestimable que les journaux offrent au chercheur, ils constituent une source dont il faut sans cesse interroger l’origine. L’inscription du journal dans le champ littéraire, politique et social de l’époque, mais également celle du critique qui écrit, déterminent souvent la prise de position de l’article. Cette question se pose d’autant plus pour Les Burgraves qu’il s’agit d’une pièce de Victor Hugo et d’un drame romantique. En effet, Victor Hugo est une figure publique, dont les controverses avec la censure ont fait du bruit, et il est académicien depuis 1841. Depuis les années 1830, le drame romantique polarise de nombreux débats au sein desquels les affinités esthétiques croisent les affinités politiques. Les positions des critiques sur l’échiquier politique et social ne sont pas sans influence sur leurs positionnements esthétiques quant au drame romantique. Ainsi, comprendre la réception des Burgraves en 1843, c’est prendre en compte ces querelles qui ne datent pas d’hier. La pièce ne fait pas naître de nouvelles animosités : au contraire, elle réactive des différends ancrés dans les esprits du public et des critiques.

L’historien du théâtre ne doit donc pas être dupe de ce qui est écrit dans ces sources. Pour parler des représentations des Burgraves, chaque journal parle de succès ou d’échec selon ce qui sert le mieux sa cause. Le 12 mars, le journal libéral Le Constitutionnel, prononce l’arrêt de mort : tout porte « à croire que cette pièce est le dernier effort du drame romantique » (Le Constitutionnel, 12 mars 1843). Le 20 mars la pièce est jouée au profit des victimes du désastre de la Guadeloupe et le journal critique cette opération marchande : la pièce aurait besoin d’une telle soirée pour survivre et éviter la fin prochaine. Le 23 mars, le journal décrit un « revers éclatant » pendant lequel la pièce a « été sifflée » (Le Constitutionnel, 23 mars 1843). Les journalistes du Constitutionnel sont antiromantiques et antihugoliens et les amis de Victor Hugo le savent, comme en témoignent la lettre de Juliette Drouet du 27 mars : « En attendant, il faut […] se résigner à entendre grogner les porcs du National et beugler les veaux du Constitutionnel demain aux endroits les plus beaux »17. Au contraire, Théophile Gautier, dans La Presse du 14 mars 1843, écrit que le public s’est montré digne de l’œuvre. Mais Gautier est l’ami fidèle de Hugo, le compagnon de lutte : à quel point le critique est-il influencé par l’ami ? Janin écrit que « le succès a été presque unanime, il a été solennel » 18. Mais Sainte-Beuve, dans ses Chroniques parisiennes, analyse le terme « solennel » employé par Janin comme synonyme d’« ennuyeux ». Janin, le soir de la première, aurait, selon Sainte-Beuve, clamé son désaccord face à l’œuvre de Hugo dans le foyer du théâtre en criant : « Si j’étais ministre de l’intérieur, je donnerais la croix d’honneur à celui qui sifflerait le premier »19. Mais Janin n’aurait pas pu livrer sa véritable pensée sur la pièce à cause de l’amitié qui unissait Hugo au directeur du Journal des débats, Bertin. Nous sommes donc, devant ce kaléidoscope d’avis divergents, obligés d’avouer notre incapacité à trancher la réception de la pièce à partir des dossiers de presse. Tout au plus, ces sources nous permettent de dire que les représentations constituèrent un événement. Si la lecture de la critique, au moment de la création, ne suffit pas, il faut remonter aux sources statistiques et aux données brutes, pour tenter d’une part d’établir des faits objectifs, d’autre part de comprendre pourquoi certains extraits de presse aurait été privilégiés par rapport à d’autres dans l’historique de la réception..

 

4. Le tri des sources par l’histoire littéraire 

Si certains critiques parlent de réussite littéraire et de succès, comme Théophile Gautier dans La Presse, Édouard Thierry dans La France littéraire20, ou encore Granier de Cassagnac dans Le Globe (13 mars 1843). qui parle d’un « immense succès [qui] dépasse toute prévision », pourquoi l’histoire littéraire n’a-t-elle pas retenu aussi ces voix ? Pourquoi les sources qui participaient à la cabale ou la soutenaient sont-elles les seules à avoir été transmises par la tradition ?  C’est que l’histoire a opéré un tri des sources qui servent à la constitution de son discours selon des logiques qui ne sont pas seulement esthétiques, mais aussi politiques et sociales.

Camille Bloomfield, dans son article « Du document à l’archive : l’historien de la littérature face à ses sources » paru en 2012, montre que l’histoire littéraire, jusqu’à la fin du XXe siècle, interroge très peu la question de l’archive littéraire et de ses sources. Mais elle insiste sur le changement de conception de l’histoire littéraire, après les reproches qu’on lui adresse à la fin du XXe siècle – ce serait une discipline trop descriptive : on tente alors de définir davantage ses méthodes d’analyse et de faire passer « les principes directeurs de l’implicite à l’explicite » selon les propos de Luc Fraisse (2005, p.9). Il faudrait donc revenir à une histoire littéraire qui confronte les différents récits qui constituent son discours aux faits objectifs que l’historien de la littérature a à disposition, en étudiant les conditions d’énonciations des différentes sources qui s’offrent à lui. Or toute la mystification consiste à faire passer pour des preuves scientifiques des sources aux discours peu fiables ou du moins orientés par des enjeux qui dépassent la littérature. Dans l’histoire littéraire qui se construit à la fin du XIXe siècle, les enjeux politiques, sociaux et moraux qui prévalent à l’appréciation de telle ou telle œuvre sont souvent passés sous silence. Telle œuvre est érigée en modèle de vie morale – les œuvres de la triade dramatique classique Racine, Corneille, Molière – tandis que d’autres sont marquées du sceau de l’immoralité, comme les drames romantiques qui deviennent des « contre-modèles » selon l’étude de Florence Naugrette (2010) sur les manuels de la Troisième République : au lendemain de la guerre contre la Prusse, l’école doit former de bons petits soldats français. Les œuvres classiques et leur universalisme apparaissent alors comme le fondement de l’esprit national français tandis que les œuvres romantiques, inspirées par la littérature anglaise et allemande, ne peuvent former que de mauvais patriotes. Ainsi, dire que le drame romantique commence en 1830 et s’arrête en 1843, avec la chute des Burgraves, c’est tenter de prouver que le romantisme théâtral est une esthétique ratée qui ne mérite pas d’attention. De plus, la figure de Victor Hugo dérange : même s’il devient vite le grand poète national, il est aussi l’objet de débats véhéments où les enjeux esthétiques et politiques se confondent. Ainsi, ses œuvres n’ont pas toutes bonne presse dans les cercles scolaires, universitaires et culturels, et encore moins son théâtre qui souffre de discrédit jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle21.

Raconter l’histoire de la fin du drame romantique, c’est donc faire une sélection parmi un nombre de sources diverses et garder les événements commodes pour servir de bornes à la périodisation du romantisme théâtral. La prétendue chute des Burgraves, instrumentalisée en événement par toute une cabale journalistique, offre une borne toute faite à l’histoire littéraire. Or la plupart des auteurs des manuels de la deuxième moitié du XIXe siècle appartiennent au même champ politique et social que les critiques qui ont entrepris de détruire la pièce de Victor Hugo : il est donc facile et logique pour eux de reprendre les propos de la cabale de 1843 pour construire le discours de l’histoire littéraire. Ainsi, René Doumic (1888, p.517) parle de « 1843, l’échec des Burgraves ». Ferdinand Brunetière (1898, p.436-437) évoque « la chute retentissante des Burgraves ». Le père C. Carruel (1894, p.77) étudie la bataille entre classiques et romantiques et écrit que « la lutte ne cessa qu’en 1843, à la chute des Burgraves. ». De même, Louis Petit de Julleville (1899, p.390) consacre un chapitre au drame romantique et « l’année 1843 en marque la fin. C’est celle de l’échec des Burgraves […] » Ces analyses qui mettent directement en lien chute des Burgraves et fin du drame seront reprises par la plupart des manuels scolaires jusqu’à la fin du XXe siècle, avant que le renouveau des études hugoliennes et des études d’histoire du théâtre remette en question cette périodisation du drame romantique.

L’histoire littéraire, lorsqu’elle est définie comme la mise en récit des différentes époques de la littérature, présuppose donc une énonciation particulière qu’il faut étudier : qui raconte ? pourquoi ? quelle place occupe cette personne dans le champ littéraire ? Sa transmission est faite de littérarité, c’est-à-dire d’une mise en récit, là où on attendrait une scientificité capable de retranscrire une vérité historique indéniable (Bloomfield, 2012). L’histoire littéraire, prise en étau entre ces deux pôles, doit donc expliciter le traitement de ses sources qui sont à l’origine de la constitution de son discours, pour que la mise en récit à laquelle elle ne peut échapper ne masque pas ses propres conditions d’énonciation. Or peu de manuels citent leurs sources ou fournissent de bibliographie scientifique dans la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle : les manuels s’écrivent souvent en s’appuyant sur les manuels précédents, ce qui permet au mythe de la chute des Burgraves de perdurer.

La thèse de Camille Latreille en 1899 sur La Fin du théâtre romantique constitue une étape importante moins dans la construction du mythe – déjà présent dès 1843 – que dans sa validation et sa pérennisation par un discours scientifique doué d’autorité puisque le travail de Latreille s’insère dans le champ universitaire. Or dans le chapitre consacré aux Burgraves, Latreille analyse la réception de la pièce selon un traitement particulier des sources. Il ne fait référence qu’à des sources journalistiques de l’époque. Il cite très rapidement Le Globe, La Presse, La Patrie, Le Journal des débats qui sont favorables à la pièce mais cite davantage les détracteurs de Hugo, comme Le Coureur des spectacles ou Henri Heine dans Lutèce : « lugubre jeu de marionnettes, singerie convulsive et hideuse de la vie, partout un étalage de passion d’emprunt… Les Burgraves sont de l’ennui triplé »22. Après une enquête partielle et partiale dans les archives de la réception de 1843, Latreille en arrive alors à cette conclusion : « Ainsi la représentation des Burgraves consacrait l’échec de Victor Hugo comme poète dramatique »23. Latreille souhaite, dans sa thèse, montrer comment Ponsard et le renouveau de l’esthétique classique viennent sauver la scène française des abus romantiques. La confirmation de la chute des Burgraves par un discours scientifique orienté, et qui opère un tri volontaire de ses sources de recherche, sanctionne le discours porté par les manuels scolaires au même moment et dans les décennies qui suivent. Institution scolaire et institution universitaire donnent la voix aux détracteurs de Victor Hugo, construisant ainsi un discours qui mythifie la chute des Burgraves en en faisant une borne de périodisation, et passent sous silence les voix dissidentes.

 

Que la chute des Burgraves soit un mythe de l’histoire littéraire qu’il faut déconstruire, cela n’est plus à prouver depuis la fin du XXe siècle et les travaux de Patrick Berthier, d’Olivier Bara et de Florence Naugrette. Ces recherches ont montré à quel point la pièce avait été médiatisée pour tenter de la faire chuter. Notre propre étude cherche à détricoter davantage le mythe de la chute des Burgraves, afin d’expliquer quels enjeux idéologiques, politiques et culturels ont permis sa constitution et sa transmission dans l’histoire littéraire. Pour trancher entre « Waterloo du romantisme » et « immense succès », nous devons faire l’archéologie du discours24 qui a institué et relayé le mythe pendant près d’un siècle et demi. Et surtout interroger la création et la réception de la pièce dans une approche d’ensemble, à la fois historique, culturelle et littéraire. Notre enquête sur les origines du mythe permet de mettre au jour les procédés de transmission de l’histoire littéraire : loin d’être un compte-rendu objectif des faits historiques, elle construit son récit en sélectionnant ses sources et en les hiérarchisant afin de servir au mieux un discours idéologique. Si la légende de 1843 et ses conséquences ont été présentes si longtemps dans l’histoire culturelle, c’est que les sources qui pouvaient la remettre en cause n’avaient pas encore été exhumées : ce travail a été fait en partie par Patrick Berthier et Olivier Bara. Nous entendons, de notre côté, continuer cette déconstruction en exploitant des sources nouvelles (comme les lettres de Juliette Drouet) et en les faisant dialoguer entre elles. Interroger la légende noire du romantisme, c’est donc être conscient, plus largement, des enjeux qui déterminent le discours de l’histoire littéraire.  Il ne suffit pas de dire que l’histoire littéraire s’est trompée : il faut interroger les causes qui ont permis une telle historicisation. En s’appuyant sur le rapport objectif du registre financier de la Comédie-Française, on peut tout au plus dire que la pièce constitue un « succès contesté », et refuser de faire de cet événement une borne signifiante de l’histoire du drame romantique. La périodisation tronquée 1830-1843, ainsi que sa transmission, prennent donc fin par l’exhumation et l’analyse des sources à l’origine du mythe de 1843.

 

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Bibliographie

Études sur la réception des Burgraves

  • Bara, O. (2008). Le triomphe de la Lucrèce de Ponsard (1843) et la mort annoncée du drame romantique : construction médiatique d’un événement théâtral. In : Saminadayar-Perrin, C. (dir.). Qu’est-ce qu’un événement littéraire au XIXe siècle ? Saint- Etienne, Publications de l’Université de Saint- Etienne, 151-167.
  • Berthier, P. (1995). L’“échec” des Burgraves. Revue d’Histoire du Théâtre, no. 187, 257-270.
  • Blewer, E. (1999). La "bataille" des "Burgraves" et les deuils de l'année 1843. Sur une amitié entre Hugo et Alphonse Karr. In : Millet, C. Victor Hugo 4 : Science et technique. Paris : Minard, Lettres Modernes, 159-182.
  • Latreille, C. (1899). La Fin du théâtre romantique et François Ponsard d’après des documents inédits. Paris : Hachette.
  • Paploray O. Des Burgraves à la mort de Léopoldine : le public et l’intime. Lettres du 1er janvier 1843 au 10 juillet 1843, mémoire de recherche de Master 2, à l’université de Rouen, sous la direction de Florence Naugrette.

Études sur la réception de Hugo

  • Brahamcha-Marin, J. (2018, 30 novembre). La réception critique de la poésie de Victor Hugo en France (1914-1944), thèse de doctorat, Le Mans Université.
  • Mayaux, C. (2004). La Réception de Victor Hugo au XXe siècle, Actes du colloque international de Besançon, 6-8 juillet 2002. Lausanne : Centre Jacques-Petit Bibliothèque l’Âge d’homme.
  • Millet, C. (2002-2003). Actualité de Victor Hugo : réflexions sur le succès du bicentenaire de 2002. Revista da Universidade de Aveiro – Letras, no. 19-20, Portugal.

Études sur l’histoire et la réception du drame romantique

  • Melai, M. (2015). Les derniers feux de la tragédie classique au temps du romantisme. Paris : PUPS.
  • Naugrette, F. (2010, mai). « Le drame romantique, un contre-modèle ? Sa place dans les histoires littéraires et manuels scolaires de la IIIe République », Communication au Groupe Hugo, disponible sur le site groupugo.div.jussieu.
  • --- (2011a). La périodisation du romantisme théâtral. Les Arts de la scène à l’épreuve de l’histoire. Paris : Honoré Champion.
  • --- (2011b). Le mélange des genres dans le théâtre romantique français : une dramaturgie du désordre historique. Revue internationale de philosophie, vol.1, no. 255, 27-41.
  • --- (2016). Le Théâtre de Victor Hugo. Paris : Ides et Calendes.
  • ---. Hugo le scandaleux, Fabula / Les colloques, Théâtre et scandale, URL : http://www.fabula.org/colloques/document5828.php, page consultée le 11 mars 2019.
  • Robardey-Eppstein, S. (2010). La survivance du drame romantique. In : Yon, J.-C. (dir.). Les Spectacles sous le Second Empire. Paris, Armand Collin, 149-158.
  • Yon, J.-C. (2012), Une histoire du théâtre à Paris. De la Révolution à la Grande Guerre, Paris : Aubier.

Manuels d’histoire littéraire

  • Brunetière, F. (1898). Manuel de l’histoire de la littérature française. Paris : Delagrave.
  • Doumic, R. (1893). Histoire de la littérature française. Paris : Delaplane.
  • Laplace-Claverie, H., Ledda, S., Naugrette, F. et al. (dir.) (2008). Le théâtre français du XIXe siècle : Histoire, textes choisis, mises en scène, Anthologie de L’avant-scène théâtre.
  • Petit de Julleville, L. (1889). Le Théâtre en France : histoire de la littérature dramatique depuis ses origines jusqu’à nos jours. Paris : Armand Colin.
  • --- (1899). Histoire de la langue et de la littérature française des origines à 1900. Tome VII XIXe siècle. Période romantique 1808-1850. Paris : Armand Colin.

Réflexions sur l’histoire littéraire

  • Bloomfield, C. (2012). Du document à l’archive : l’historien de la littérature face à ses sources. Littératures, vol.2, no.166, 69-83.
  • Diaz J.-L. (2003). Quelle histoire littéraire ?. Revue d’histoire littéraire de la France, vol.103, no.3, 515-535.
  • Fraisse, L. (2002). Les fondements de l’histoire littéraire. Paris : Honoré Champion.
  • --- (2005). Une théorie de l’histoire littéraire est-elle possible ? In : L’Histoire à l’aube du XXe siècle – Controverses et consensus. Paris : Presses Universitaires de France.
  • Laforgue, P. (2002). « La division séculaire dans l’histoire de la littérature », conférence au Collège de France reprise dans Histoires littéraires, no.9.

Œuvres littéraires et philosophiques autres

  • De Vigny, Correspondance, tome 4 / mai 1839 – mars 1843, sous la direction de Madeleine Ambrière, Paris, PUF, 1997.
  • Drouet Juliette, lettres à Victor Hugo, en cours d’édition sous la direction de Florence Naugrette, disponibles sur le site juliettedrouet.org.
  • Foucault Michel, L’Archéologie du savoir, Gallimard, coll. Tel, 1969.
  • Hugo Victor, Les Burgraves, [1843], Paris, Garnier-Flammarion, présentation par Raymond Pouilliart, 1985.
  • Ricœur Paul, Temps et récit, Paris, Seuil, 1983.

Journaux de l’année 1843

  • Le Constitutionnel
  • Le Coureur des spectacles
  • La France littéraire
  • La Revue des deux mondes
  • Lutèce
  • Le Globe
  • Le Journal des débats
  • La Presse
  • La Revue de Paris
  • Le Siècle

Archives consultées

  • Manuscrit du souffleur, Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, Ms764.
  • « Registre des feux », année 1843, Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, R366 et R367.
  • « Registre des recettes journalières », Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, R253, R262, R263 et R 264.
  • « Registre du comité de lecture. Procès-verbaux des séances. 16/02/1837-15/12/1848. », Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, R444.
  • « Registre du travail quotidien des acteurs. 01/07/1842-23/07/1843 », R210.
  • Melle Mars, journal manuscrit, Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, cote Ms 25029.

 

Notes

1 Jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle et jusqu’au renouvellement des études théâtrales et des études hugoliennes (notamment avec Anne Ubersfeld), l’idée de la chute des Burgraves est relayé par les universitaires, y compris les spécialistes de Hugo qui se concentrent davantage sur la deuxième période de la vie de Hugo (l’exil) et dénigrent sa production dramatique des années 1830-1840. Sur ce point, voir par exemple les écrits de Fernand Gregh, L’œuvre de Victor Hugo, Paris, Flammarion, 1933.

2 Bien sûr, Juliette Drouet n’est pas la plus objective ; mais dans ses lettres, elle parle aussi sans réserve des représentations qui ont été un échec : pourquoi tairait-elle alors la chute du 7 mars si elle avait eu lieu ?

3 Registre du Comité de lecture, procès-verbaux des séances, 16/02/1837-15/12/1848, cote R444, Bibliothèque-Musée de la Comédie Française.

4 Registre des recettes journalières, 07/03/1843-28/11/1843, cote R262, Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française.

5 Sur ce point, nous renvoyons à notre article « La cabale contre les Burgraves de Victor Hugo », COnTEXTES [En ligne], 27 | 2020.

6 Sur la cabale qui s’acharne contre Les Burgraves nous renvoyons à notre communication aux Huitièmes journées d’études COnTEXTES à Bruxelles le 16 mai 2019 : « La cabale des Burgraves de Victor Hugo : mettre en échec le "chef de file" du romantisme ».

7 Voir registre des recettes journalières, 07/03/1843-28/11/1843, cote R262, Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française.

8 À ce sujet, voir Olivier Bara, article cité. Il montre comment la prétendue chute des Burgraves, et le succès de circonstance de Lucrèce de Ponsard, sont orchestrés par la médiatisation de la cabale.  Ces pièces deviennent des événements car la curiosité du public est attisé par les journaux, les parodies et les rumeurs.

9 Mlle Mars, journal daté du 7 mars 1843, Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, cote Ms 25029. Nous remercions Agathe Sanjuan, directrice de la Bibliothèque-Musée, qui nous a fait part de cette information.

10 Nous renvoyons au mémoire d’Olivia Paploray, sous la direction de Florence Naugrette : « Des Burgraves à la mort de Léopoldine : le public et l’intime. Lettres du 1er janvier 1843 au 10 juillet 1843 ».

11 Juliette Drouet, lettre du vendredi 24 mars 1843, midi et quart, lettre disponible sur le site juliettedrouet.org, édition des lettres dirigées par Florence Naugrette.

12 Juliette Drouet, lettre du mercredi 8 mars 1843 après-midi treize heures.

13 Juliette Drouet, lettre du vendredi 10 mars 1843 soir six heures et demie.

14 Juliette Drouet, lettre du dimanche 12 mars 1843 matin onze heures trois quarts.

15 Juliette Drouet, lettre du mercredi 15 mars matin dix heures trois quarts.

16 Lettre de Léopoldine à Victor Hugo, le samedi onze mars 1843. Lettre recueillie dans la Chronologie Victor Hugo, site : www.groupugo.div.jussieu.fr. Olivia Paploray cite cette lettre dans son mémoire sous la direction de Florence Naugrette « Des Burgraves à la mort de Léopoldine : le public et l’intime. Lettres du 1er janvier 1843 au 10 juillet 1843 » pour prouver que la pièce n’a pas chuté.

17 Juliette Drouet, lettre du lundi 27 mars après-midi quatre heures.

18 Jules Janin, Le Journal des Débats, 9 mars 1843, Rubrique « Feuilleton du Journal des Débats ».

19 Propos recueillis par Sainte-Beuve, Chroniques parisiennes, Paris, Calman Lévy éditeur, 1876, p. 12-15.

20 La France littéraire, Paris, 1843, tome XII, p. 295.

21 Sur la réception de la figure de Victor Hugo, voir Millet (2002-2003) ; Mayaux (2004) ; Brahamcha-Marin (2018). Sur la réception du théâtre de Hugo, voir Naugrette (2016 et « Hugo le scandaleux »). 

22 Henri Heine, Lutèce, 20 mars 1843, cité par Camille Latreille, op. cit., p.83.

23 Camille Latreille, op. cit., p. 84.

24 Le terme d’« archéologie » invite à convoquer le travail de Foucault dans L’Archéologie du savoir, mais nous ne reprenons pas le terme « archéologie » dans le sens foucaldien. Le terme d’archéologie désigne, dans notre travail, la volonté de révéler les mécanismes de constitution des différents discours sédimentés et figés de l’histoire littéraire.

 

*Biographie

Agathe Giraud est agrégée de Lettres Modernes. Doctorante contractuelle, chargée de TD à Sorbonne-Universités, elle prépare une thèse sur « la création et la réception des Burgraves de 1843 à aujourd’hui » sous la direction de Florence Naugrette. Elle appartient au Groupe Hugo, groupe de recherche sur Victor Hugo à Paris-Diderot et au PRITEPS (Programme de Recherches Interdisciplinaires sur le Théâtre et les Pratiques Scéniques) à Sorbonne-Universités.

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